Une variante doit respecter les exigences minimales

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Retenir une variante techniquement avantageuse mais non conforme aux exigences du cahier des charges, c’est se risquer à une sanction financière douloureuse. La communauté d’agglomération du Cotentin vient d’en faire l’amère expérience en devant verser 137 000 euros à une entreprise évincée . Pour fixer clairement le cadre, comparer plus facilement les offres et éviter les recours, mieux vaut lister les dérogations possibles dans le cahier des charges, plutôt que d’indiquer les éléments intangibles du contrat.

137 000 euros à titre de dommages et intérêts pour avoir accepté une variante contraire aux exigences minimales prévues dans le règlement de la consultation. La facture est salée pour la communauté d’agglomération du Cotentin, (anciennement communauté de commune de la Côte des Isles), condamnée au paiement de cette somme par le tribunal administratif de Caen, décision confirmée par la cour administrative d’appel de Nantes le 6 octobre (à télécharger), afin d’indemniser un candidat évincé, la société Jean Tisin. Le litige s’ouvre lorsque l’intercommunalité, après avoir déclaré sans suite un premier marché destiné à construire un pôle nautique de loisirs à Barneville-Carteret, relance sa procédure et autorise les variantes pour le lot n°3 « gros œuvre ». Jusque-là pas de souci. « La démarche d’autoriser une variante sur le procédé est louable car les prestataires, professionnels du secteur, sont plus à même à proposer des méthodes plus adaptés », met en avant Laure Thierry. L’avocate du cabinet Vedesi considère même qu’il s’agit d’un bon moyen de compenser la rudesse d’une procédure de passation sans négociation. Encore faut-il se conformer à ses propres règles. La communauté d’agglomération normande a en effet expliqué dans son CCTP qu’elle choisissait, pour la partie haute du bâtiment des semelles filantes,  et pour la partie basse, une fondation par micro-pieux, tout en laissant la possibilité, dans ce dernier cas, aux candidats de proposer « une autre solution alternative ».

Une maladresse rédactionnelle

Finalement, le pouvoir adjudicateur décide de retenir un autre procédé proposé par un autre soumissionnaire. Sauf que cette technique s’applique à tout le bâtiment et non à la seule base. Devant le tribunal administratif, l’intercommunalité s’est justifiée - sans convaincre le magistrat -  de la régularité de son choix « dès lors que les variantes étaient admises et que celle retenue a justifié des avantages techniques qu’elle présente au regard de la solution retenue par le géotechnicien ». La collectivité a ensuite, devant la cour d’administrative d’appel, invoqué expressément une « maladresse rédactionnelle » qui aurait abouti à limiter les variantes aux fondations sur la partie front de mer au lieu de s’appliquer à l’intégralité de l’ouvrage à construire. Là aussi, le juge est resté sourd. Comme le requérant, classé en deuxième position, avait proposé une offre respectant les prescriptions techniques demandées à un prix inférieur à celle de la société attributaire,  les juges lui ont reconnu la perte d’une chance sérieuse d’obtenir le lot et ont fixé l’indemnisation en conséquence.

Mieux vaut lister les dérogations possibles


Les contentieux sur l’analyse d’une solution alternative sont récurrents. « L’éternel problème de ce procédé est de comparer des choses différentes », prévient Me Laurent Frölich, avocat associé du cabinet CLF. Comme l’indique clairement l’article 58 du décret marchés, la personne publique doit mentionner dans les documents de la consultation les exigences minimales que les variantes doivent respecter ainsi que toute condition particulière de leur présentation. Une règle qui vaut pour les MAPA. Deux méthodes existent. Soit l’acheteur indique les éléments intangibles du contrat. Soit il liste les dérogations possibles. Me Laure Thierry privilégie cette seconde option, approche plus confortable pour noter les offres car elles seront moins disparates et le risque d’un recours sera moindre. Pour des opérations de travaux cela est même préférable, ajoute son confrère.

Soit l’acheteur indique les éléments intangibles du contrat. Soit il liste les dérogations possibles

.Ces prescriptions  doivent être présentes uniquement dans les documents de la consultation et non pas dispersées dans le cahier des charges, recommande Me Vincent Corneloup, avocat associé au cabinet DSC, qui conseille de demander aux candidats de justifier les avantages et les inconvénients de leurs solutions alternatives, afin de faciliter l’analyse des offres. Reste une interrogation : sur quoi peut porter une variante ? Les textes demeurent étrangement muets sur son périmètre.  Me Vincent Corneloup, qui ne connaît pas a priori de jurisprudence en la matière, estime qu’il est possible pour l’acheteur d’autoriser une solution alternative sur chaque clause du contrat (les opérations de vérifications, les pénalités, le prix, les délais...). A condition toutefois de prendre en compte deux écueils. En ouvrant les variantes à tous les éléments du marché, l’acheteur peut prêter le flanc à la critique puisqu’il est censé définir « précisément » son besoin (article 30 de l’ordonnance). Autoriser la variante ne doit pas non plus impacter les critères d’attribution. Dans le cas d’une clause de variation de prix par exemple, elle pourra  avoir pour effet que l’offre de l’opérateur classé premier finira, au cours de l’exécution, par ne plus être économiquement la plus avantageuse.