Quand une cession de créance tourne au vinaigre
Cet article fait partie du dossier :
Exécution : cession de créance
L’affaire société Industrias Durmi est digne d’un scénario hitchcockien dont le fil de l’histoire est la cession de créance. Le synopsis est le suivant : un titulaire d’un marché, cède partiellement la créance à son fournisseur, non déclaré comme sous-traitant. Or, la créance a déjà été abandonnée. Cependant le premier cessionnaire a fait une mainlevée au motif que le sous-traitants était admis en paiement direct. Le couac n’a pu être évité, lors de la présentation de la facture, entre l’acheteur et le second cessionnaire. Les juridictions du fond et de cassation, saisies, ont chacune apporté un raisonnement différent.
Le régime de la cession de créance distinct de la loi relative au paiement direct des sous-traitants
Les trois juridictions sont unanimes sur ce point, la cession d’Athema à la société Industrias Durmi n’est pas valable. Le Conseil d’Etat l’a formulé ainsi : « le cédant d’une créance ne pouvant transmettre plus de droits qu’il n’en détient, la signification d’une cession de créance dont le cédant n'est pas titulaire à la date où elle est faite doit être regardée comme nulle, même lorsqu'elle est régulière en la forme ».
Pour le TA de Toulouse, le fournisseur avait quand même un droit de paiement en raison de la mainlevée d’Oseo. La CAA de Bordeaux, saisi par l’acheteur, a apporté un bémol et infirmé le jugement. La motivation de cet acte était erronée, la société Industrias Durmi n’était pas agréée par le maître d’ouvrage, selon les modalités de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative au paiement direct des sous-traitants. La position de la cour est surprenante, remarque Me Victoria Cabaye, avocate associée du cabinet Roussel-Cabaye (photo ci-contre). La relation cédant/cessionnaire et celle de titulaire/sous-traitant appelle des régimes juridiques spécifiques et la production de pièces différentes entre les protagonistes. Il ne peut être enlevé la qualité de cessionnaire sous prétexte que les conditions de la loi du 31 décembre 1975 n’ont pas été respectées. Le rapporteur public, Gilles Pellissier, avait déclaré, à la lecture de ses conclusions devant la haute juridiction, que : « le débiteur de la créance n’a pas à s’interroger sur la régularité de la cession. Il doit seulement prendre acte de la substitution du créancier ». Les sages du Palais Royal, statuant à la suite du pourvoi du fournisseur, ont suivi cette argumentation. L’erreur d’Oseo dans la notification était donc sans incidence.Le cédant d’une créance ne pouvant transmettre plus de droits qu’il n’en détient, la signification d’une cession de créance dont le cédant n'est pas titulaire à la date où elle est faite doit être regardée comme nulle, même lorsqu'elle est régulière en la forme
La cession de créance prend effet à partir de la notification au comptable
Cependant, le Conseil d’Etat n’a pas tranché le litige. Il a renvoyé l’affaire devant la juridiction d’appel. Me Victoria Cabaye s'interroge : le centre de gestion de la FPT n’aurait-il pas commis une faute en remettant deux exemplaires uniques à l’entreprise Athema ? Les décisions juridictionnelles sont restées muettes sur cette question. Concernant le dénouement du litige, l’avocate penche pour l’hypothèse suivante. Le règlement par le CGFPT à l’organisme de financement est parfaitement valable. Elle est donc en désaccord avec le TA de Toulouse. Primo, « la mainlevée d’Oseo n’implique pas que la somme de 82 634 euros revient à la société Industrias Durmi, elle signifie uniquement que cet établissement n’a pas à récupérer cette somme. Néanmoins, cet acte est nécessaire pour le fournisseur car il permet, lorsqu’une cession antérieure est irrégulière, à la prochaine notification de porter ses fruits ». Deuzio, contrairement à ce qu’avance le fournisseur, les formalités de notification au comptable public concernent aussi bien les cessions de créances de la loi Dailly que celle de droit commun, certifie la professionnelle du droit. Autrement dit, la cession de créance produit ces effets au moment où elle est notifiée au comptable, conformément à l’article 1690 et suivant du code civil. Enfin, la notification de la société Industrias Durmi du 16 mars 2011 aurait été recevable, si elle était intervenue dans la foulée de la mainlevée et avant le dernier paiement, conclut l’associée du cabinet Roussel-Cabaye.
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