Un critère environnemental contesté

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La commune de Rennes a intégré des objectifs du développement durable dans son appel d’offres relatif sur la fourniture et livraison de modules à végétaliser pour ses jardins flottants sur la Vilaine. La collectivité avait, en amont, réalisé un sourcing. D’après une candidate évincée, le procédé souhaité restreignait la concurrence. La société a aussi reproché, devant le juge du référé précontractuel, la subjectivité des critères d’appréciation suivants : le taux de matériaux recyclé et le caractère esthétique.

La prise en compte dans un marché des objectifs du développement durable relève toujours du parcours du combattant. Au-delà de la difficulté de choisir un critère d’appréciation à la fois recouvrant cette notion et en lien avec la prestation demandée ou avec les conditions d’exécution (article 62 du décret du 25 mars 2016), l’acheteur doit veiller aussi à ne pas restreindre la concurrence. Le risque d’un litige avec un candidat évincé sur ce terrain, devant le juge du référé précontractuel, est bien réel. Dernièrement l’appel d’offres de la ville de Rennes, portant sur la fourniture et livraison de modules à végétaliser pour ses jardins flottants sur la Vilaine, est passé sous les fourches caudines du tribunal administratif (TA). Mais la procédure est ressortie indemne.  

Un critère n’est pas subjectif si les candidats disposent de l’ensemble des informations pour y répondre


La requérante a commencé par reprocher la subjectivité de certains critères d'attribution. Etait dans le viseur de l’opérateur mécontent celui tenant au taux de matériaux recyclé et celui concernant le caractère esthétique. D’après la société, ce dernier donnait à l’acheteur une marge d’appréciation discrétionnaire. Le TA ne l’a pourtant pas suivi. La juridiction a considéré ces choix conformes au décret relatif aux marchés publics car d’une part ils étaient pertinents, et d’autre part les candidats disposaient de l’ensemble des informations nécessaires. Le réquérant considérait que les exigences attendues n'étaient pas claires. Le cahier des charges stipulait que « la surface supérieure et inférieure des éléments flottants devra être recouverte par un matériau durable empêchant d’éventuels dégâts occasionnés par la faune environnante (canard, ragondin, …) ». La demanderesse a alors soulevé ces questions : quelles seraient les caractéristiques du revêtement ? Que se cache-t-il derrière la notion de matériaux durable ? Pour écarter la requête sur ce fondement, le magistrat s’est appuyé sur la disposition du contrat suivante : « les jardins flottants seront constitués de matériaux non toxiques et majoritairement recyclables.

La requérante n’avait pas sollicité des précisions durant la consultation. Cette omission joue (toujours) en défaveur du candidat contestataire lors d’un contentieux

Ils seront composés d’éléments biodégradables naturels et d’éléments inertes et durables afin d’assurer la solidité et le maintien du système dans le temps (…) ». Au passage, la requérante n’avait pas sollicité des précisions sur ce sujet durant la consultation. Cette omission joue (toujours) en défaveur du candidat contestataire lors d’un contentieux.

La concurrence n’est pas restreinte si plusieurs sociétés proposent la solution demandée


Le débat s’est déplacé ensuite sur les conséquences en matière de concurrence d’une prohibition, par la commune, de l’utilisation de matériaux comme le polystyrène ou la mousse polyuréthane. La collectivité a expliqué ce choix dans le cadre d’une démarche environnementale. La société a d’abord fait valoir que ces matières sont utilisées dans la plupart des dispositifs. En parallèle, elle estimait que « l’interdiction… ne se justifiait ni au regard de leur prétendu caractère "difficilement recyclable", ni au regard de leur flottabilité ou de leur pérennité ». Enfin, elle a critiqué le procédé à base de polypropylène adopté par le candidat pressenti. De son côté, le TA n’a pas fait primer le développement durable. Il a recherché si effectivement il existait une restriction de la concurrence. Il ressort de l’instruction que plusieurs sociétés ne recouraient plus à ce type de matériaux. La candidate n’a donc pas été entendue sur ce point. Quant à l’utilisation de polypropylène, les caractéristiques techniques  « sont en tout état de cause différentes de celles du polystyrène et du polyuréthane en termes de structure, de porosité, de solidité et il n’est pas sérieusement contesté qu’il existe des filières de recyclage » a certifié le magistrat. La requérante a également sous-entendue que le cahier des charges aurait été orienté, sachant que le service de la commande publique de la ville avait, en amont, effectué un sourcing.

La candidate a invoqué dans ses moyens, ces éléments pour étayer son argumentation  : « les dimensions des modules issues des notes jointes au dossier de consultation des entreprises et la géométrie d’assemblage des modules ont été littéralement calquées sur les dimensions et formes proposées par [le candidat pressenti] » ou encore : « le déflecteur dont chaque module triangulaire doit être doté à l’amont n’est nécessaire que pour la solution technique proposée par [celui-ci] » ou bien : « l’exigence de fixation des modules par des liaisons démontables telles que définies correspond aux seules spécificités des liaisons inter modules de [l’attributaire] ». Cependant, la juridiction a constaté que d’une part de nombreux opérateurs utilisés les mêmes formes et d’autre part « que la dimension des modules ainsi que la géométrie de leur assemblage a été dictée par les contraintes fortes inhérentes au marché en cause, à savoir une exigence esthétique tenant au fait que les jardins doivent s’implanter en hyper centre, à 5 mètres en contrebas, la nécessité de permettre à un jardinier d’y accéder, le respect d’un couloir de 12 mètres de large pour permettre la circulation fluviale ainsi qu’une résistance à l’arrachement et à l’enfoncement par la pression de l’eau, la rivière étant susceptible de monter en charge en cas de crue ». Concernant les dires de la demanderesse sur le déflecteur, ces « prescriptions n’ont en outre pas eu pour objet d’avantager de manière indue la société attributaire, qui fait valoir, sans être contredite, qu’elle n’a elle-même jamais utilisé de déflecteurs ou de câbles horizontaux et a dû adapter son offre en conséquence de ces exigences » a déclaré le juge. Par conséquent, le TA a rejeté la demande d’annulation du marché lancé par la ville de Rennes.