Quizz : contrat administratif ou contrat de droit privé ?

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A l’occasion de deux contentieux distincts, le Conseil d’Etat a dû s’interroger sur la nature juridique des contrats contestés : une cession des droits à certificats d’économie d’énergie par une personne publique est-elle un marché public ? Et une convention en vue de la réalisation de câbles électriques dans un parc éolien, signée entre deux personnes privées, peut-elle être l’accessoire d’un contrat administratif de raccordement au réseau électrique ?

Il n’est pas toujours évident de qualifier juridiquement les contrats quand ils découlent d’une opération complexe ou lorsqu'ils sont le produit de la financiarisation. Cette lourde tâche revient au juge, si le législateur est resté muet. Le Conseil d’Etat s’est à nouveau prêté au jeu, à l’occasion de deux contentieux. Le premier résulte d’un différend entre une société évincée et un syndicat intercommunal. L’acheteur a conclu un marché de conception-réalisation pour moderniser le centre de traitement de déchet. Ces travaux allaient permettre à l’intercommunalité d’obtenir la délivrance de certificat d’économie d’énergie (CEE).

La cession des droits à certificats d’économie d’énergie exclue de la commande publique


 En parallèle, l'EPCI avait lancé une consultation dans un journal d’annonces officielles afin de céder ses droits. Sauf que le syndicat n’a pas appliqué les règles de publicité et de mise en concurrence prévues par l’ordonnance du 23 juillet 2015. Motif ? Le contrat n’entrerait pas dans le champ de la commande publique. La procédure a été contestée à la suite d’un référé précontractuel. Selon la requérante, il serait au contraire un marché public « car la participation financière, réclamée au cocontractant en échange de la cession des droits à [CEE] générés par les travaux de modification…, a pour objet de financer ces travaux dès lors que cette participation est réclamée avant l’achèvement desdits travaux ». De son côté, le syndicat a fait valoir l’absence de prestation de service de la part du cocontractant. Le magistrat est allé dans le sens de la personne publique. Le rapporteur public, lors de l’audience devant la Haute juridiction, s’est intéressé aux modalités de la rémunération du cocontractant. Il ressort de l’acte qu’elle s’établie sur la différence entre la somme payée à l’intercommunalité et celle pouvant être obtenue de la cession des CEE compte tenu de l’évolution du court des certificats. Il n’y a donc pas une prestation en échange d’un prix ou de l’exploitation d’un droit, ont confirmé les sages du Palais Royal.

Toutefois, l’opération ne s’apparenterait-elle pas un contrat de financement des travaux publics, comme l’a sous-entendu la requérante. En effet, une clause contractuelle jetait le doute : « L’intégralité des sommes versées devra exclusivement être affectée à la réalisation des travaux ». Mais le Conseil d’Etat a été clair sur ce point :

La circonstance que les recettes ainsi acquises par le [syndicat] puissent être affectées au financement des travaux d’adaptation du centre intégré de traitement des déchets… est sans incidence sur l’objet du contrat

« La circonstance que les recettes ainsi acquises par le [syndicat] puissent être affectées au financement des travaux d’adaptation du centre intégré de traitement des déchets… est sans incidence sur l’objet du contrat en litige, qui est distinct du marché de conception-réalisation ». Conséquence ? « Ce contrat n’étant pas un marché public, il ne revêt pas un caractère administratif… [il a] le caractère d’un contrat de droit privé » ont certifié les sages. D’autant que la convention litigieuse ne comportait pas une clause exorbitante du droit commun. Le juge du référé précontractuel n’était alors pas compétent pour trancher ce conflit.

Une convention en vue de la réalisation de câbles électriques n’est pas en soi accessoire à un contrat de raccordement au réseau


Quant à la seconde affaire, la problématique était de savoir si la convention en vue de la réalisation de câbles électriques dans un parc éolien était accessoire au contrat administratif de raccordement au réseau électrique. En l’espèce, la société propriétaire de la centrale éolienne avait contractualisé avec un prestataire le 23 juin 1998 pour s’occuper du réseau électrique. Le même prestataire avait par la suite signé un acte administratif contractuel en 2001 et 2002 auprès de l’établissement public Electricité de France (EDF) (devenu aujourd’hui Enedis). Cette action s’inscrivait dans la continuité de l’opération initiale. Le contentieux va se nouer au moment où l’opérateur d’électricité a souhaité faire jouer la garantie décennale en raison de désordre produits sur les installations électriques. Il va se pourvoir en cassation car la juridiction du second degré s’est déclarée incompétente.

A la lecture de ses conclusions, le rapporteur public a rappelé la jurisprudence du Tribunal des conflits, Société d’exploitation des énergies photovoltaïques :

« les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d’un contrat de droit public »

« les contrats conclus entre personnes privées sont en principe des contrats de droit privé, hormis le cas où l’une des parties agit pour le compte d’une personne publique ou celui dans lequel ils constituent l'accessoire d’un contrat de droit public » (TC, 8 juillet 2013, n° C3906). Le Conseil d’Etat va suivre le juge d’appel. Le contrat de raccordement « ne prévoyait pas que les câbles réalisés seraient rétrocédés à EDF ; qu’en en déduisant, eu égard à leurs objets distincts et alors même que les travaux réalisés en exécution du premier contrat auraient été conduits dans la perspective d’un raccordement futur au réseau de distribution, que ce contrat ne pouvait être regardé comme l’accessoire des conventions de raccordements précitées et n’était, dès lors, pas susceptible de revêtir le caractère d’un contrat administratif » ont admis les sages. Le pourvoi a été rejeté.