Une collectivité a réparé le préjudice d’un commerçant causé par des travaux sur la voie publique
Un maître d’ouvrage s’est vu assigner en justice par un commerçant situé à proximité du chantier. Motif ? Les travaux de réhabilitation entrepris lui ont causé un préjudice économique. La personne publique a été condamnée. Elle a alors tenté de se pourvoir en cassation. Si cette situation n’est pas en soi exceptionnelle, ce contentieux a été l’occasion de rappeler le régime juridique en la matière.
Application du régime de la responsabilité sans faute
Lorsqu’une personne, tierce par rapport à un ouvrage public ou une opération de travaux publics, est victime de dommage résultant de travaux publics, elle peut prétendre à une indemnisation sur le terrain de la responsabilité sans faute. Les juridictions du premier et du second degré se sont fondées sur le principe classique en la matière
: « La mise en jeu de [cette] responsabilité… est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial directement en lien avec cet ouvrage ou cette opération ». Le requérant n’est pas contraint de démontrer qu’une négligence ou un manquement de la personne publique seraient à l’origine du préjudice.La mise en jeu de [cette] responsabilité… est subordonnée à la démonstration par cet administré de l'existence d'un dommage anormal et spécial
Le constat d’huissier réalisé, à la demande du requérant, a conclu à l’impossibilité d’une exploitation du commerce. Primo, les émissions de poussières et les nuisances sonores s’avéraient incompatibles avec une activité de restauration. La collectivité a essayé de minimiser l’impact en invoquant le fait que les désagréments n’excédaient pas ceux devant « normalement être supporté par les riverains des voies publiques ». Deuzio, l’accès au commerce était à la fois encombré par des matériaux de construction et des gravats, et le passage servait pour les manœuvres des engins de travaux publics. Enfin, la société était dissimulée à la vue par des hautes palissades métalliques de chantier et son enseigne commerciale était cachée par une bâche. Par ailleurs, la CAA a reproché également la passivité de la collectivité : « Si la gêne occasionnée par les travaux au commerce… a pu être d’intensité variable…, le département du Vaucluse ne justifie ni avoir mis en œuvre des mesures de compensation particulière des effets du chantier sur l’exploitation du fonds de commerce ni du déplacement de son emprise au cours de cette période ».
Réparation intégrale du préjudice commercial
Selon la personne publique, il n’existerait pas de lien de causalité entre les travaux publics et l’interruption de l’activité. La juridiction d’appel s’est alors intéressée au chiffre d’affaire. Verdict ? L’exercice clos du 31 mars 2013 présentait un résultat net en progression, contrairement à celui de l’année suivante où il était déficitaire. Par conséquent, les retombées de l’opération ont « excédé les sujétions normales susceptibles d’être imposé aux riverains » a déclaré la CAA. Le requérant n’a donc pas eu de difficulté à faire constater un dommage anormal et spécial. Les juges ont admis, de facto, une réparation intégrale du préjudice commercial.
La société devait être « replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité ne s’était pas produite ». Cela signifie qu’ « il convient de lui accorder une indemnité correspondant aux pertes de recettes qu’elle a subies, diminuées des charges qu’elle n’a pas eu à exposer et augmentées, le cas échéant, des charges supplémentaires provoquées par la baisse ou l’interruption de son activité ; que l’octroi d’une indemnité ainsi déterminée assure la réparation du préjudice résultant de l’impossibilité de couvrir les charges fixes par des recettes d’exploitation et, le cas échéant, du préjudice résultant d’une perte de bénéfice » a conclu la juridiction d’appel. Les chances du département de voir cet arrêt annulé par le Conseil d’Etat sont infimes. Au vu de l’audience, il est peu probable que son pourvoi soit admis.La société devait être : « replacée dans la situation qui aurait été la sienne si la diminution de son activité ne s’était pas produite »
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