Entente entre personnes publiques : le CE la joue "cool"

  • 07/02/2012
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Le conseil d’Etat a jugé dernièrement que la convention conclue entre la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy remplissait les conditions pour être qualifiée d’entente au sens de l’article L.5221-1 du CGCT. Et il n'a pas suivi les préconisations du rapporteur public qui lui suggérait de requalifier l'accord en DSP.

Retournement de situation. Le pourvoi en cassation déposé par la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy contre l’ordonnance du TA de Grenoble (1) semblait bien mal partie devant le Conseil d’Etat. Le rapporteur public, Bertrand Da Costa, avait proposé à la haute juridiction, comme l’avait fait le juge du référé contractuel, de requalifier la convention conclue entre les deux personnes publiques en délégation de service public, et non de convention d’entente, et d’admettre la demande d’annulation de la Lyonnaise des eaux, le contrat n’ayant pas fait l’objet de mesures de publicité (2). Dans sa décision rendue le 3 février dernier, le Conseil d’Etat en a décidé autrement. Il a jugé que « la convention litigieuse, conclue à des fins de coopération entre personnes publiques dans le cadre de relations qui ne sont pas celle du marché, n’était pas soumise aux règles de la commande publique ; que, par suite, cette convention était hors du champ d’application de l’article L.551-13 du code de justice administrative ; que le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a ainsi commis une erreur de droit en l’annulant au motif que les collectivités contractantes avaient méconnue les obligations de publicité et de mise en concurrence ». Dans son arrêt, le Conseil d’Etat rappelle qu’une commune peut conclure, hors des règles de la commande publique, une convention d’entente, pour accomplir en coopération avec d’autres personnes publiques (communes, EPCI, syndicats mixtes) les missions de service public qui lui incombent, à la condition que cette entente ne permette pas une intervention à des fins lucratives de l’une de ces personnes publiques, agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel.

Les conditions pour conclure une convention d’entente

En l’espèce, la commune de Veyrier-du-Lac et la communauté d’agglomération d’Annecy ont conclu une convention ayant pour objet d’instaurer une entente, sur le fondement de l’article L.5221-1 du CGCT, visant à confier à la communauté d’agglomération, l’exploitation du service public de distribution d’eau potable sur le territoire de la commune. Dans ses conclusions, le rapporteur public, citant un document de travail de la Commission européenne, avait insisté pour qu’il y ait entente, sur l’existence d’une véritable mutualisation, d’un engagement réciproque. Or, dans le cas présent, la participation de la commune semblait passive, elle profitait des installations modernes de la communauté d’agglomération, sans assurer le moindre service en sa faveur. Bien que comprenant la logique présidant à la conclusion de la convention, Bertrand Da Costa avait considérait que l’on était en présence d’une DSP. Pourtant, les sages du Palais-Royal relèvent que l’entente tend à l’exploitation d’un même service public, celui de la distribution de l’eau, en continuité géographique, sur l’ensemble du territoire couvert par ces deux personnes publiques, sous la responsabilité opérationnelle de la communauté d’agglomération. « La convention doit ainsi permettre à la commune de Veyrier-du-Lac, qui met à disposition de l’entente l’intégralité de ses propres infrastructures, de bénéficier des installations plus performantes de la communauté d’agglomération ».

La CA n’agit pas comme un opérateur sur un marché concurrentiel

L’intervention de l’un des membres publics ne peut pas être à des fins lucratives. La convention ne doit pas engendrer de bénéfices, l’équilibre financier étant la règle. En l’espèce, le Conseil d’Etat mentionne que le tarif de l’eau fixé pour les usagers de la commune correspond, en sa partie fixe à la répartition entre usagers de la quote-part de la commune dans les investissements à réaliser sur les installations mutualisées et dans sa partie proportionnelle, révisée chaque année, au prix coûtant de la production et de l’acheminement par mètre cube d’eau potable, supporté par la régie directe de la communauté d’agglomération. Il estime que « la convention litigieuse n’a pas provoqué de transferts financiers indirects entre collectivités autres que ceux résultant strictement de la compensation de charges d’investissement et d’exploitation du service mutualisé, et la communauté d’agglomération ne peut être regardée comme agissant tel un opérateur sur un marché concurrentiel ». En jugeant le contraire, le juge des référés a commis une erreur de droit. Statuant sur la demande en référé, le Conseil d’Etat estime que la convention n’entrant pas dans le champ de l’article L.551-13 du code de justice administrative, la demande d’annulation de la Lyonnaise des eaux ne peut être que rejetée.

CE, 3 février 2012, commune de Veyrier-du-Lac, communauté d’agglomération d’Annecy, 353737

(1) Référé contractuel : requalification en DSP et annulation

(2) Une convention entre deux collectivités requalifiée en DSP ?