OAB cherche erreur grossière pour contrôle du juge

  • 05/03/2012
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Par un arrêt récent, le Conseil d’Etat est venu préciser l’office du juge des référés précontractuels. Il a jugé que face à une décision de ne pas rejeter une offre comme anormalement basse, le juge du référé précontractuel recherchera l’erreur manifeste d’appréciation, comme on dit dans le jargon juridique, de la personne publique.

Le juge du référé précontractuel exerce un contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation sur la décision de ne pas rejeter l’offre retenue comme anormalement basse. Jugeant ainsi, le Conseil d’Etat a, dans son arrêt du 1er mars 2012, suivi les conclusions de son rapporteur public, Bertrand Dacosta (1). L’affaire en cause oppose la société autocars Roger Ceccaldi au département de la Corse du Sud à propos de la passation du lot n°130 du marché de transport scolaire. Le magistrat du TA de Bastia a, en novembre dernier, annulé la procédure de passation au motif qu’en attribuant le lot à la société des autocars de l’Ile de Beauté, le département a retenu une offre d’un montant anormalement bas. En effet, selon lui, le coût de reprise du salarié affecté à cette ligne par le nouvel attributaire devait nécessairement s’intégrer au prix de l’offre soumise par les candidats. Pour le Conseil d’Etat, l’affaire est tout autre. Certes, le coût de reprise du salarié est un élément essentiel du marché puisqu’il permet aux soumissionnaires d’apprécier les charges et d’élaborer leurs offres. Mais « le prix de cette offre ne doit pas nécessairement assurer la couverture intégrale de ce coût, compte tenu des possibilités pour l'entreprise de le compenser, notamment par le redéploiement des effectifs en son sein ou, si l'exécution de ce marché n'assure pas un emploi à temps plein des salariés concernés, de la possibilité de leur donner d'autres missions et donc de n'imputer, pour le calcul du prix de l'offre, qu'un coût salarial correspondant aux heures effectives de travail requises par la seule exécution du marché ». Il en déduit qu’en ne tenant pas compte de ces possibilités, le premier juge a commis une erreur de droit. La sentence est sans appel, l’ordonnance est annulée.

Le contrôle de l’erreur manifeste d’appréciation

Sur le fond, le Conseil d’Etat balaie l’ensemble des moyens développés par la société autocars Roger Ceccaldi. Arrêtons-nous plus particulièrement sur celui tenant au caractère anormalement bas de l’offre retenue. La haute juridiction indique, contrairement à ce que soutient la société requérante, qu’aucune des stipulations de l’accord du 7 juillet 2009 étendu par l’arrêté du 22 juillet 2010, n’interdisent d’affecter les salariés, après leur reprise par le nouveau titulaire, à d’autres tâches dans l’entreprise. Cela signifie que si le coût de reprise doit être supporté par le nouveau prestataire, il ne peut être imputé au nouveau marché que dans la limite de son affectation. En l’espèce le salarié affecté à la ligne Vico-Bastia est employé à temps complet par l’entreprise sortante. L’offre du nouveau titulaire prévoit 4H12 de service du conducteur pour chacun des 175 jours de fonctionnement effectif de la ligne. Pour le Conseil d’Etat, dans l’hypothèse de la reprise du salarié par le nouveau prestataire et de son affection à cette ligne, « le coût salarial total que représente cette reprise n'est à rattacher au nouveau marché que dans cette mesure », c’est-à-dire les 4H12 de service, 175 jours par an. Dans cette mesure le caractère anormalement bas de l’offre n’est pas démontré. Comme les avait invités Bertrand Dacosta, les sages du Palais considèrent « qu'en ne rejetant pas l'offre retenue comme anormalement basse et susceptible de rendre difficile l'exécution du marché, le pouvoir adjudicateur aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ni, dès lors, méconnu le principe d'égalité entre les candidats et manqué à ses obligations de mise en concurrence ». Après avoir rejeté la requête, il condamne la société à verser 3.000 euros au département au titre de l’article L.761-1 du CJA.

CE, 1er mars 2012, Département de la Corse du Sud, 354159

(1) OFFRE ANORMALEMENT BASSE : QUEL CONTRÔLE DU JUGE ?