Encaissement des quotas de CO2 : le concessionnaire ne manque pas d’air

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Instaurés par l’Etat afin de limiter les gaz à effet de serre, les quotas de CO2 peuvent s’avérer rentables lorsqu’ils sont revendus. Un concessionnaire d’un service public a ainsi récupéré plus d’un demi-million d’euros. Le concédant considérait ces produits comme des biens de retour. Le Conseil d’Etat a tranché pour savoir qui était l’heureux propriétaire de ces produits.

625 753,18 euros. C’est la somme encaissée par Omnitherm en cédant les quotas de gaz à effet de serre (GES) excédentaires des exploitations du service public du chauffage urbain de la ZUP de Valence. Qualifiés par la législation de « biens meubles », ces quotas sont des unités de compte représentatives de l’émission de l’équivalent d'une tonne de dioxyde de carbone. Autrement dit, un droit de polluer jusqu’à une certaine limite. Lorsque l’entreprise reste en dessous du palier alloué, elle a le droit de céder cette part excédentaire. Même si le contrat de concession ne contenait pas de disposition à leur sujet, la commune de Valence a estimé qu’il s’agissait d’un bien de retour, en tant qu’élément essentiel du bon fonctionnement du service public. Elle a donc réclamé la recette de la vente et a déposé un recours suite au refus de la société de payer. Déboutée devant les juridictions du fond,  elle s’est pourvue en cassation. Dans un arrêt du 6 octobre dernier, le Conseil d’Etat confirme les décisions juridictionnelles précédentes. Pour déterminer qui était propriétaire des fameux quotas, la haute juridiction s’est fondée sur le régime légal des quotas prévu à l’article L.229-5 et suivant du Code de l’environnement. Primo, c’est l’Etat qui a délivré conformément à ces dispositions les unités à la société Omnitherm. Deuzio, cette entreprise est inscrite comme détentrice dans le registre français de gestion des quotas et crédits d’émission des GES. En outre,  aucunes mesures législatives, réglementaires et même contractuelles ne font obstacles à cette vente. « Les quotas sont négociables, transmissibles par virement de compte à compte et confèrent des droits identiques à leurs détenteurs. Ils peuvent être cédés dès leur délivrance », indique clairement l’article L 229-15 du Code de l’environnement. Ni les textes, ni la jurisprudence n’octroient de dérogation à ce cadre en raison de la gestion d’un service public.

Pas de déséquilibre des relations contractuelles


Rapporteur public durant cette affaire, Olivier Henrard a eu le même point de vue que la CAA de Lyon (cf la décision du 23 juin 2016 à télécharger). Il regrette toutefois que les juges n’aient pas également abordé l’angle de la classification des différents biens d’une concession. Il avance un autre argument pour ne pas qualifier les quotas de bien de retour : leur caractère sui generis. Les unités nécessaires au fonctionnement de l’exploitation sont susceptibles d’évoluer au cours de l’exécution de la convention et seulement une partie d’entre elles peut être suffisante. De plus, chaque année, le détenteur restitue à l’Etat - sous peine de sanctions - un nombre de quotas égal au total des émissions de gaz à effet de serre de ses installations. De ce fait, ils ne sont pas des produits pérennes et ne peuvent être donc considérés comme des biens de retour. Le Conseil d’Etat s’est, lui aussi, raccroché uniquement au texte pour rendre sa décision. La commune avait également soulevé les moyens de l’enrichissement sans cause et de la rupture de l’équilibre du contrat.  Les deux ont été rejetés. S’agissant du premier moyen,  aucun article de la concession prévoyait ni d’informer le concédant en cas de vente, ni d’encadrer la récupération des gains par le concessionnaire.   Pour appuyer le deuxième moyen, la commune estimait que la vente avait diminué la part de risque du délégataire (le risque liée à l’exploitation étant une caractéristique fondamentale d’une délégation de service public contrairement à un marché public où celui doit être inexistant) et avait engendré de ce fait un déséquilibre des relations contractuelles au détriment de la collectivité. Mais les juges ne l’ont pas entendu de cette oreille. Le déséquilibre d’un contrat ne peut résulter de la vente de ces produits. Leur cession ne peut être utilement invoquée par le requérant pour obtenir du concessionnaire les sommes demandée, confirment les sages du Palais royal. Dans l’hypothèse de l’existence d’une rupture, une modification de la convention - ou à défaut une résiliation - aurait dû être envisagée, conclut Olivier Henrard.