Do you speak the “achat public” language ?

  • 01/09/2008
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Les relations entre les dircoms et les acheteurs, tout un programme ! On devine facilement que cette histoire d’amour hésite entre le passionnel et le sado maso. Les cultures sont d’ailleurs tellement différentes qu’on voit mal comment il pourrait en être autrement.


Personne ne viendra le contester, il y a une profonde différence d’analyse et de comportement entre les dircoms et les acheteurs. Alors, choc culturel ou pas ? Pour Frantz Guinand, directeur de la communication de Neuilly-sur-Seine, c’est évident : « Comment rendre rationnel, objectif, ce qui est du domaine de l’irrationnel, de la création, de l’art ? C’est tout simplement impossible. Un exemple précis a démontré en effet qu’en dehors de certains critères objectifs (conformité de la création d’un visuel avec le cahier des charges), il était plus que discutable, cornélien, voire impossible de rationaliser le rapport d’analyse des offres. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’à partir du moment où une création respecte le cahier des charges, elle est recevable. Alors comment expliquer à une entreprise que sa création n’a pas été retenue pour des raisons subjectives ? S’opère alors un véritable bras de fer entre une direction des marchés et une direction de la communication ; l’une demandant à l’autre de justifier objectivement les raisons pour lesquelles telle ou telle création n’a pas été retenue. Allez mettre dans un rapport d’analyse que tel visuel ne convenait pas parce que l’élu n’a pas apprécié telle couleur ou tel détail… ». Vouloir justifier d’un choix subjectif auprès d’un responsable des achats, on peut effectivement imaginer plus simple : « Ce qui fait la force d’un bon professionnel, c’est la parfaite connaissance qu’il doit avoir de son univers, explique Jean-Marc Joussen, et pour les directeurs de la communication, cette connaissance passe forcément par la commande publique ». La formation aux plaisirs du Code des marchés publics lui semble donc indispensable : « Il nous faut parler le même langage que les acheteurs, c’est ce qui nous permet de négocier en position de force ». Pour lui, une vingtaine d’heures de formation devraient suffire chaque année.

Comme au bon vieux temps de la guerre froide !

Pour les dircoms, les acheteurs se comportent comme des censeurs alors qu’ils devraient être des facilitateurs. Aujourd’hui libéré de son devoir de réserve, cet ancien dircom n’y va pas par quatre chemins : « Les relations avec les responsables de la commande publique ? C’est comme au bon vieux temps de la guerre froide : on se pointe en commission d’appels d’offres avec autant d’entrain qu’un Allemand de l’Est pouvait tenter de passer en douce à Check Point Charlie. Il suffit de la ramener pour se prendre une balle doum doum entre les deux yeux… ». Jean-Marc Joussen est tout aussi acide : « Dans les collectivités comme ailleurs, l’esprit d’équipe, ça compte, ironise-t-il, sauf quand on doit trouver un responsable. Si on se fait retoquer un marché devant le Tribunal administratif, on va forcément porter le chapeau ». Alors, les relations entre acheteurs publics et dircoms, une histoire d’amour ?

Dialogue de sourds entre dircoms et acheteurs

Jean-Marc Joussen convient que les relations ne sont pas toujours faciles : « Comme j’enseigne aussi le droit de la communication publique en université, je bénéficie d’un certain crédit, convient-il, mais il faut avouer qu’on a parfois l’impression de parler chinois, et je me mets sans difficulté dans la peau d’un jeune collègue qui va se faire pilonner au prétexte qu’il ne respecte pas les seuils ou la nomenclature ». Pragmatique, Frantz Guinand souhaite surtout de la part des acheteurs une véritable aide à la prise de décision, plutôt qu’une censure systématique : « Les dircoms attentent surtout d’être aidés, conseillés par un service d’experts en achats. C’est loin d’être le cas actuellement. Bien souvent, on constate que par méconnaissance des problématiques de communication politique, les services des marchés publics n’interviennent pas comme aide mais sont là pour rappeler les textes de loi sans donner les clés permettant aux communicants territoriaux de rédiger dans les meilleures conditions possible leurs cahiers des charges, leur rapport d’analyse des offres, la meilleure procédure et forme de marché en fonction du besoin, des seuils, de la durée, de la nature de la prestation… ». Un vœu pieu ? « Ça, c’est l’histoire du beurre et de l’argent du beurre, conclut Jean-Marc Joussen, on peut toujours rêver ! »

Les dircoms veulent être mieux formés

La bonne solution serait, tout le monde en convient, de se mettre autour d’une table et d’en discuter calmement : « C’est vrai, reconnaît pour sa part Frantz Guinand, globalement, certains dircoms ne connaissent peut-être certainement pas assez les textes, certes, il existe des formations, mais qui sont souvent chronophages ! » Directeur de la communication de Neuilly-sur-Seine, le président de l’Association de la Communication Territoriale est bien conscient que les questions qui se posent aujourd’hui aux dircoms sont cruciales : « Difficile d’être au four et au moulin, d’autant que nos interrogations ne peuvent pas rester sans réponse et que nous n’avons d’ailleurs pas besoin de censeurs ! Comment faire avec la nomenclature ? Les textes sont-ils franchement plus compréhensibles ? Ne devons-nous pas rester maître de nos achats ? ». La réponse est unanime, puisque les professionnels de la communication publique souhaitent tous être accompagnés, à un niveau ou un autre : « Comment gérer nos relations avec les acheteurs si nous ne savons pas de quoi nous parlons », s’interroge Jean-Marc Joussen, bien sûr que nous souhaitons être mieux formés, reconnaît-il, mais le problème, c’est aussi de trouver le temps, parce qu’à un rythme de 70 ou 80 heures par semaine, il ne reste plus beaucoup de temps pour la formation ». Frantz Guinand a sa petite idée : « Notre association est ouverte à toutes les propositions de partenariat, et on pourrait même imaginer de créer des modules de formation sur Internet à disposition des professionnels de la communication publique, pouvoir par exemple profiter des expériences de chacun en donnant la possibilité de consulter sur Internet des textes de marchés déjà passés, des exemples de rapports d’analyse des offres… ». Pour de nombreux professionnels de la communication publique, les acheteurs devraient faire des efforts pour comprendre que la proximité avec le politique, les dircoms la paient cher ! « En clair, ironise Jean-Marc Joussen, il est de plus en plus difficile de dire à un élu qu’il existe un “machin” qui s’appelle le Code des marchés publics, même en y mettant les formes ! ».