Quelle politique d’achat privilégier ?

  • 01/09/2008
partager :

Les dircoms sont conscients de la difficulté de l’exercice. Difficulté pour choisir, mais également, pour nombre d’entre eux, et le plus souvent, inadéquation des politiques d’achat avec leur quotidien à proximité des élus. Rigueur et souplesse sont-elles compatibles ?


Sur le fond, les directeurs de la communication sont pratiquement unanimes : « Trop souvent, les politiques d’achat ne sont pas adaptées à notre quotidien, souligne Jean-Marc Joussen (photo ci-contre), l’ancien directeur de la communication de la Ville d’Angoulême, sans compter avec les ayatollahs de la commande publique qui décident, sans concertation aucune, de fixer leurs propres seuils, très en dessous de ceux qui sont imposés par les textes ». Pour ce dernier, il est indispensable d’adapter la politique d’achat des collectivités au quotidien des dircoms : « Le plus souvent, on nous demande de réagir à J-5 et de lancer à l’arrache le gadget idiot auquel personne n’avait pensé, explique-t-il, alors sauf à passer des nuits entières à imaginer des usines à gaz auxquelles aucun fournisseur ne répondra, on est pratiquement sûr d’aller dans le mur si on veut globaliser à tout prix ».

Les pièges de la globalisation

La question a au moins le mérite d’être posée : faut-il prendre le risque de globaliser ses achats ? Selon Jean-Marc Joussen, la souplesse doit rester de mise : « Nous avons trouvé un bon équilibre avec le Code de 2006, et il nous est plus facile d’établir des relations de partenariat, et même de confiance, avec nos fournisseurs ». L’ancien dircom enseigne également le droit de la communication publique en Université, notamment au Celsa (école des hautes études en sciences de l’information et de la communication). C’est coiffé de sa casquette de juriste qu’il prévient : « Trop de loi tue la loi, il ne sert à rien d’abaisser arbitrairement les seuils quand le décret du 26 novembre 2004 précise bien qu’en dessous de 4 000 euros HT, la consultation n’est pas obligatoire. Si le législateur a voulu nous faciliter la tâche, je ne vois pas pourquoi certains acheteurs viendraient nous la compliquer ! ». Pour lui, la messe est dite : « Non seulement il ne faut pas globaliser, mais il faut en plus privilégier une remise en concurrence annuelle. La seule indexation n’est pas assez réactive à mon sens ».

Prévision et réactivité : la quadrature du cercle

La réactivité à laquelle sont soumis les directeurs de la communication est-elle compatible avec la globalisation des achats ? Frantz Guinand (photo ci-contre) avance une réponse de Normand : « Oui et non… ». Mais, en définitive, sa réponse normande est certainement la bonne. En effet, pour le directeur de la communication de Neuilly-sur-Seine, qui est également président de l’Association de la Communication Territoriale : « Oui, car justement il est demandé de prévoir l’imprévisible. Autrement dit, l’acheteur public doit pouvoir envisager des dépenses d’ordre exceptionnel qui, dès lors qu’elles sont prévues au marché, seront réalisées dans le cas où une communication imprévue deviendrait indispensable, comme une communication de crise à monter au pied levé après une catastrophe naturelle. Non, car il est justement très compliqué de prévoir l’imprévisible. Il faut savoir que c’est à partir d’un budget défini à l’avance que les marchés publics sont passés et les dépenses de communication engagées. Donc prévision ne fait pas bon ménage avec réactivité ».

Raisonner en coût global plutôt que globaliser

Certains dénoncent des situations totalement irrationnelles : « Choisir un imprimeur à l’autre bout de la France au prétexte qu’il est moins cher à prestation égale, c’est complètement stupide, s’emporte ce dircom, car si l’on ajoute nos frais de déplacement pour aller au calage, les nuits d’hôtel, les notes de restaurant et les journées de travail perdues, on voit bien que le coût de la prestation n’est plus le même ! ». Pour Jean-Marc Joussen aussi, globaliser, d’accord, mais pas comme l’entendent généralement les acheteurs : « Pourquoi ne pas raisonner en coût global plutôt que privilégier ex abrupto le moins disant ? C’est sûr, toutes ces dépenses ne sont pas inscrites sur les mêmes lignes budgétaires, mais au final, ça coûte plus cher à la collectivité ! ». La globalisation arrange certainement les acheteurs, mais sûrement pas les dircoms, comme l’explique l'un d'entre eux, aujourd’hui en poste dans le Sud-Ouest : « Dans l’une des collectivités où je suis passé, on nous demandait de globaliser alors que le budget communication n’était même pas consolidé ! Par commodité, le maire préférait planquer les dépenses de communication dans les services pour pouvoir présenter un budget de communication dérisoire lorsqu’il se faisait interpeller par l’opposition. Officiellement, mon budget était de 450 000 euros alors qu’en réalité, en consolidant toutes les dépenses de communication, on arrivait à 1,7 million ! C’est une situation totalement ingérable si l’on n’a pas la main sur tous les engagements. Dès le mois d’avril, je recevais des oukases de la directrice de la commande publique qui bloquait mes règlements, m’expliquant que les seuils étaient dépassés ! Évidemment, tout le monde tirait sur les mêmes lignes sans aucun contrôle ! », raconte ce dernier.

Privilégier les unités fonctionnelles ?

Pour éviter de buter trop vite dans les seuils, une solution consisterait à privilégier les unités fonctionnelles plutôt que les familles de produits. « De toute façon, on peut tout à fait créer notre propre nomenclature, indique Jean-Marc Joussen, parce que si l’on ne s’en tient qu’aux références que nous propose la nouvelle nomenclature, on peut tout de suite partir à la plage… » Même s’il souhaite relativiser en soulignant que, dans les petites villes, on arrive rarement au seuil de 90 000 euros hors taxes, Jean-Marc Joussen préfère, là aussi, plus de souplesse : « En travaillant en bonne intelligence avec un responsable des achats qui ne soit pas totalement borné, on peut quand même se faciliter la vie ». Pour les directeurs de la communication, la nomenclature et les seuils constituent le plus souvent le casse-tête absolu : « Je préfère largement raisonner par unités d’opérations, explique celui-ci, ça correspond bien mieux à notre réalité. On isole des opérations et on y rattache les engagements. Et si l’on est capable de construire en plus sa propre nomenclature — et c’est ce que je conseille — on peut tout à fait travailler sereinement sans être accusé de saucissonnage… ». En fait, le problème que rencontrent le plus souvent les directeurs de la communication, c’est un problème de langage. Ils ne parlent pas le même que les acheteurs publics. Et, le plus souvent, ils n’ont qu’une connaissance partielle des textes. Tout irait tellement mieux s’ils pouvaient réellement dialoguer avec les acheteurs. Mais comment ? Et sur quelles bases ?