Capacités financières : ne pas confondre vérification des garanties et fixation de niveaux minimaux de capacités

  • 27/05/2009
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Dans une décision rendue à propos d’un litige portant sur les justifications financières, le Conseil d’Etat rappelle la nécessaire distinction entre la fixation de niveaux minimaux de capacités, qui est facultative, et la vérification des garanties professionnelles, techniques et financières, qui elle, reste obligatoire. A deux types d’actions, deux séries de conséquences bien différentes.

Il aura fallu attendre deux mois pour que le Conseil d’Etat précise les conditions d’élimination d’un candidat à un marché public pour une capacité financière insuffisante. On savait depuis le 8 août 2008 (2) qu’un pouvoir adjudicateur avait obligation de contrôler les garanties  professionnelles, techniques et financières. Et depuis le 26 mars 2008 (3) qu’il devait effectuer cette vérification au vu des documents et renseignements demandés à cet effet dans les avis d’appel public à la concurrence ou dans le règlement de consultation. Il n’est pas toutefois tenu de fixer dans l’avis de publicité des exigences minimales (2). Lors d’une audience du 23 mars 2009, le rapporteur public, Nicolas Boulouis avait d’ailleurs insisté sur le caractère facultatif de cette possibilité tout en rappelant que ces exigences devaient être liées et proportionnées à l’objet du marché (conformément à l’article 45 du code des marchés publics). Dans sa décision du 20 mai 2009, la haute juridiction rappelle que « lorsque le pouvoir adjudicateur décide de fixer des niveaux minimaux de capacité, ces derniers sont précisés dans l'avis d'appel public à concurrence ou, en l'absence d'un tel avis, dans les documents de la consultation ». Faculté n’est pas obligation. La haute juridiction a, pour ce motif, censuré une ordonnance du juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Fort-de-France qui avait, le 23 novembre 2007, jugé contraire aux règles sur les marchés publics le rejet d’une candidature fondé sur une capacité financière insuffisante, alors qu’aucune exigence de cet acabit n’était mentionnée dans l’avis d’appel public à la concurrence.

Examen des capacités sans fixation d’exigence préalable

Pour les sages du Palais-Royal, il est « loisible » à un pouvoir adjudicateur « d'examiner les capacités techniques, professionnelles et financières des entreprises candidates sans avoir au préalable fixé des niveaux minimaux de capacité ». Pour cela, il doit s’entourer de quelques précautions. Dans l’affaire sur laquelle porte la décision (un marché de sécurisation des espaces publics lancé par la ville de Fort-de-France), le Conseil d’Etat a ainsi justifié ce choix : « si la commune a écarté la candidature de la société Pat Eleck en raison de l'insuffisance de ses capacités, en particulier d'un point de vue financier, il ne résulte pas de l'instruction que la commune se soit référée ce faisant à des niveaux minimaux de capacité financière qu'elle aurait préalablement fixés et qu'elle aurait alors été tenue d'indiquer dans l'avis d'appel public à la concurrence ». La collectivité n’a pas manqué à ses obligations de publicité et de mise en concurrence en n’indiquant pas de niveaux minimaux de capacités exigés dans l'avis d'appel public à la concurrence. La ville de Fort-de-France avait demandé un certain nombre de documents et renseignements pour la passation de son marché de sécurisation des espaces publics, jugés tout à fait acceptables au regard des prescriptions de l’article 45 du CMP et de l’article 3 de l’arrêté du 28 août 2006 fixant la liste des renseignements et des documents pouvant être demandés aux candidats. Celui-ci stipule qu’une entreprise qui souhaite justifier des capacités professionnelles, techniques et financières d’un autre opérateur économique pour appuyer sa candidature (en application du III de l'article 45 du code des marchés publics) a la possibilité de produire un engagement écrit de la part de cet autre opérateur économique pour justifier qu’il dispose bien de ces capacités supplémentaires. « L’exigence d’un engagement écrit n’est pas contraire à l’article 45 du code des marchés publics », avait confirmé le rapporteur public lors de l’audience. Et pour les capacités, « selon l’ampleur du marché, un pouvoir adjudicateur peut choisir entre une déclaration de chiffre d’affaires ou une déclaration appropriée de banque ». Les garanties financières, techniques et professionnelles des candidats sont toujours à vérifier mais toujours au regard de l’objet du marché.

(1) Décision du Conseil d’Etat du 20 mai 2009, requête n°311379, Commune de Fort de France  CE 20 mai Fort de France (268.39 kB)
(2) Décisions du Conseil d’Etat du 8 août 2008, Région Bourgogne (n° 307143), Commune de Nanterre (n°309136) et CH Garcin (n°309652)  CE,8 aout 2008, région bourgogne, n°307143 (41.72 kB)
(3) Décision du Conseil d’Etat du 26 mars 2008, requête n°303779, Communauté urbaine de Lyon Conseil d'Etat 28032008 Grand Lyon (19.28 kB)