Juridique et économique : la commande publique ne va pas l’un sans l’autre

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« La patience est un plat qui se mange sans sauce » Perceval de Galles (Kaamelott)

« Aujourd’hui, un acheteur, ça devrait être 30% de sourcing, 40% dans la procédure, et 30% dans l’exécution du contrat… », lâche Sébastien Taupiac sur notre plateau « achatpublic.invite » lors du dernier numéro de la saison 2022/2023 (replay"achatpublic invite... Sébastien Taupiac").
Evoluant dans la sphère de l’achat public depuis plus d’une vingtaine d’années, avec une appétence pour les achats hospitaliers, ce passionné défend une commande publique à la fois axéé sur le juridique… mais aussi sur l’économique. Une seconde orientation qui n’est pas toujours perceptible dans la pratique.
 

La bonne gestion des deniers publics scrutée par les CRC

Avec la transposition de la Directive 2014/24/UE du 26 février 2014, l’aspect économique de l’achat public paraît plus assumé… et la recherche de performance dans l’acte d’achat n’est plus un tabou (relire "Faut-il rémunérer les acheteurs au résultat ?"). Le terme « acheteur » s’est même inscrit dans la législation interne afin de qualifier un pouvoir adjudicateur et une entité adjudicatrice. Un changement de philosophie retranscrit par la suite dans les fiches métiers de l’achat public (relire "L’acheteur public vu par le CNFPT").
Et les chambres régionales des comptes (CRC), gardiennes de la bonne utilisation des deniers publics, peuvent vérifier que des missions telles que la planification et la programmation des achats sont bel et bien réalisées si elles relèvent de la fiche de poste de l’agent (relire "Quand la CRC PACA met en regard les missions exercées et celles prévues dans la fiche de poste").

Les autorités financières sont attentives à l’efficacité et l’efficience des "process" achat. Dernièrement, un organisme de contrôle a rappelé l’importance de respecter le principe de bonne utilisation des deniers publics dans le cadre d’un contrat d’emprunt ; marché pourtant exclu des règles de la passation du code de la commande publique (CCP) (lire "Les emprunts bancaires n’échappent pas à une mise en concurrence").
Leur "marotte", c'est de pousser les acheteurs publics à réaliser une nomenclature et une cartographie achat ; certaines y voient même une obligation (relire "Nomenclature achat et guide interne : des outils bientôt obligatoires dans l’achat public ?").
 

Le sourcing et l’exécution : des phases perfectibles

L’inscription dans les textes du « sourcing » a été un accélérateur. En effet, depuis, les personnes publiques se tournent davantage vers les opérateurs économiques avant de préparer et lancer un marché (relire"Rencontres entre entreprises et établissements : le pari gagnant-gagnant de l’achat durable dans le milieu hospitalier").
Mais la vigilance reste de mise : attention au délit de favoritisme et au conflit d’intérêts (relire "Je t'aime… moi non plus : acheteurs et candidats dans une relation tumultueuse"). D’ailleurs, selon la CRC Auvergne-Rhône-Alpes, le sourçage est plutôt réservé à des acheteurs matures (relire "Le sourcing, une pratique achat réservée aux acheteurs aguerris ?"). Sachant que la rédaction d'un compte-rendu n'est pas obligatoire (relire "Pas d’obligation de rédiger un compte-rendu après un "sourcing"")

De l’autre côté du spectre de la relation fournisseurs,l’exécution du contrat ; phase tout aussi essentielle. Or, souvent, les acheteurs publics occultent l’exécution de leurs contrats, qu’il s’agisse de marchés publics ou de concessions, observe Maître Jean-Marc Peyrical, avocat et président de l’APASP. « On oublie souvent que la grande majorité des contentieux contractuels concerne l’exécution et non pas la passation des contrats de la commande publique », dit-il. L'avocat explique dans une tribune l’intérêt d’un "contract manager" pour une équipe achat (relire "[Tribune] Jean-Marc Peyrical : " A la recherche du Contract Manager"").
 

La procédure de passation s’appréhende aussi sous l’angle économique

Enfin, la procédure de passation d’un contrat de la commande publique, bien qu’elle ait un cadre juridique strict et précis prévu par le CCP, s’aborde également sous l’angle économique. Par exemple, l’évaluation menée à travers un critère d’attribution doit permettre d’identifier les éléments d’une offre qui apportent de la valeur. L’économiste Xavier Robaux ne cesse d’insister sur ce point ; un raisonnement plutôt incompris (relire "Des critères RSE dans les marchés publics : comment faire ? / Pas d’offre au meilleur rapport qualité/prix avec des critères sur les moyens et la méthodologie ?").

De leur côté, François Maréchal et Pierre-Henri Morand, professeurs d’économie, considèrent que le système d’attribution des marchés publics mis en place ne tend pas souvent vers un achat efficace et efficient ; la faute en partie au procédé de notation du critère prix… (relire"L’arbitraire se cache dans la méthode de notation des offres des soumissionnaires").