Le serpent de mer sortira-t-il enfin de l’eau ?

  • 25/02/2009
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Telle l’Arlésienne, le code de la commande publique fait beaucoup parler de lui depuis des années. Mais point de texte en vue. On pensait que la loi sur l’accélération de l’investissement public-privé allait enfin donner un coup de fouet au projet, après des années d’atermoiements. Peine perdue. Le Conseil constitutionnel l’a enterré avant même qu’il ne soit sorti. Jusqu’à quand ?...

L’idée de bâtir un grand code de la commande publique ne date pas d’hier. De nombreux spécialistes, parmi lesquels on trouve notamment Jean-Marc Sauvé, le vice-président du conseil d’Etat, l’appelle de leurs vœux. Selon le sage du Palais Royal, qui a consacré un long chapitre sur ce sujet dans le dernier rapport du conseil d’Etat en 2008, un groupe de travail de l’Assemblée nationale chargé de contribuer à la clarification des rapports de la politique et de l’argent formulait déjà cette invitation en 1994. Le projet est réapparu dès 2002, sous la houlette du ministère des Finances, qui souhaitait élaborer, dans les deux ans à venir, un grand code regroupant l’ensemble des dispositions législatives et réglementaires relatives à la commande publique, hors délégation de service public. Rémy Schwartz, conseiller d’Etat, était alors pressenti pour piloter ce travail de bénédictin, lequel avouait alors que la difficulté d’une telle besogne reposerait sur la distinction entre ce qui relève de la réglementation et ce qui relève de la législation.

Profusion de nouveaux textes

Dans cette perspective, la loi du 9 décembre 2004 habilitant le gouvernement à simplifier le droit par ordonnance prévoyait la création d’un code de la commande publique dans un délai de 18 mois. Sans définir précisément son contenu, la direction des affaires juridiques du ministère des Finances indiquait alors qu’elle souhaitait aboutir à un document performant, sans être pour autant tentaculaire, ni encyclopédique. Le document semblait enfin sur les rails. Sauf que le 7 janvier suivant sortait le code des marchés publics 2004… Suivi quelques mois plus tard par les directives communautaires du 31 mars 2004 relatives à la passation des marchés publics, l’ordonnance du 24 juin 2004 sur les contrats de partenariat lui emboîtant le pas, emportant dans son sillage l’ordonnance du 6 juin 2005 relative aux personnes non soumises au code des marchés publics. Sans oublier les lois d’orientation et de programmation de la justice et de la sécurité intérieure, ainsi que l’ordonnance sur les baux emphytéotiques hospitaliers, qui ont vu le jour dans le même laps de temps…

Le projet de grand code mis en sommeil en 2005

Un temps de pause est alors vite apparu nécessaire après cette frénésie normative. Autant pour la direction des affaires juridiques de Bercy que pour les acheteurs publics. Et ce, d’autant plus que se profilait déjà la nécessité de modifier le Code 2004 afin de le mettre en conformité avec les directives… Dès le mois de juin 2005, Alain Ménéménis, conseiller d’Etat, faisait part de ses doutes quant à sa sortie, à l’occasion d’un colloque sur les contrats de partenariat organisé par l’université des sciences sociales de Toulouse. Doutes confirmés au mois de septembre suivant par une déclaration de Jérôme Grand d’Esnon, à l’époque patron de la DAJ, qui avait annoncé que le projet était suspendu en raison d’une trop grande accumulation de textes sur le sujet en peu de temps. « On va laisser les choses se calmer », avait-il alors déclaré. Cela n’a pas empêché le sujet de revenir sur le tapis périodiquement, cette suggestion étant régulièrement reprise par la doctrine. Certains, tels que Jean-Marc Sauvé ou Nil Symchowicz, avocat spécialisé en droit public, s’inquiètent en effet de l’émiettement de textes épars.

Le caractère réglementaire du Code : une anomalie pour certains parlementaires

Du côté du Palais Bourbon et du Palais du Luxembourg, on voit d’un mauvais œil le fait que tout un pan de la commande publique, qui représente plusieurs dizaines de milliards d’euros par an (55 Mds € en 2007), échappe à leur contrôle. Plus d’une fois, les parlementaires ont été tentés de reprendre en main ce domaine. Et quoi de mieux pour y parvenir que de relancer l’idée d’un code de la commande publique comportant un volet législatif ?... Marie-Hélène des Egaulx, à l’époque députée de Gironde (elle est devenue depuis sénatrice), a profité du projet de loi sur les contrats partenariat au mois de juin dernier pour affirmer l’impérieuse nécessité d’une réflexion sur une refonte globale des textes, afin notamment de « mieux encadrer les autres formes juridiques de PPP » et pour dénoncer le caractère réglementaire du code des marchés publics, une séquelle de l’histoire selon l’élue : « Alors que l’importance économique et politique des marchés publics n’a plus à être démontrée, il est anormal que ce sujet ne soit pas de la compétence du Parlement », avait déclaré Marie-Hélène des  Esgaulx au cours des débats.

Tué dans l’oeuf

Le rapport du député Jean-Luc Warsmann sur la simplification du droit, qui préconise l’élaboration d’un code de la commande publique, l’explosion d’une crise économique mondiale et le plan de relance qui a suivi ont abouti à remettre ce projet sur la table. Selon Jean-Marc Sauvé, l’époque est favorable à la réalisation de ce chantier : « Les jurisprudences de la CJCE [ndlr : cour de justice des communautés européennes] et du Conseil constitutionnel sont dès à présent suffisamment élaborées pour permettre de lancer ce chantier et que les risques d’insécurité juridique pesant sur certaines catégories de contrats administratifs sont désormais trop élevés pour se contenter d’une attitude passive », a-t-il mentionné toujours dans le rapport d’activités 2008. Le gouvernement a profité de la loi sur l’accélération des programmes de construction et de l’investissement publics et privés pour introduire, à l’article 33, une habilitation autorisant le gouvernement à élaborer un code de la commande publique par voie d’ordonnance. On était en droit de penser que le serpent de mer allait sortir enfin la tête hors de l’eau. Le conseil constitutionnel l’a foudroyé sur place, dans sa décision du 12 février dernier, jugeant que cette habilitation n’avait aucun lien avec l’objet de la loi saisie par plus de soixante sénateurs. Retour à la case départ.