Les acheteurs de la Défense s’auto-évaluent

  • 17/07/2009
partager :

Pour jauger les pratiques d’achat du ministère, la mission achats a testé cet été un outil, la « matrice de maturité »,  dans une trentaine de sites. Les services expérimentateurs ont rempli un questionnaire dans onze domaines. La photographie servira de « feuille de route » pour déterminer les marges de progrès, de la connaissance de l’offre à l’achat durable en passant par le circuit financier ou la gestion des ressources humaines.

Christian TraoréFaire le point sur la performance des services, repérer les forces et les faiblesses, se fixer des objectifs d’amélioration, planifier des plans de formation ad hoc et avoir un outil de pilotage unique  et cohérent pour tout le ministère : une gageure ? « Impossible n’est pas français », aimait à répéter Napoléon. Grâce à un outil, la « matrice de maturité », mis au point par un groupe de travail de la mission achats animé par Christian Traoré, qu’ont épaulé deux étudiants de HEC Paris, la Défense peut réussir le pari d’avoir simultanément un état des lieux, régulièrement mis à jour, et une feuille de route par service et pour toute l’administration. Un dispositif que Jean Bouverot a déjà testé à la SNCF, mais qui n’est pas très répandu : « des grandes sociétés type GDF-Suez ne l’ont pas encore ». De quoi s’agit-il ? En fait d’un tableau de bord divisé en onze domaines : (réglementation/jurisprudence, connaissance de l’offre, circuit financier, processus/contrôle interne, politique d’achat, achat durable, management de l’organisation, ressources humaines, formation, système d’information, communication). Dans chaque domaine, les services devront s’évaluer : sont-ils toujours aux pré-requis minimum (fonction achat non reconnue, achat au fil de l’eau, absence de stratégie et de politique fournisseur), ont-ils atteint le niveau 2 (politique d’achat définie par segment, dissociation des fonctions achats et approvisionnement), le niveau 3 (politique d’achat mis en œuvre par segment, avec une stratégie différenciée par segment et une fonction achat reconnue comme centre de performance économique), le niveau 4 (maîtrise de l’achat, avec la prise en compte des achats en amont et la synergie acheteurs/prescripteurs) voire l’excellence (c'est-à-dire être une structure orientée pilotage des achats) ? Afin de s’étalonner, les entités répondent par oui ou par non à un questionnaire, avec toutefois la possibilité d’expliquer la réponse par des commentaires.

Une auto-évaluation collective

Prenons un exemple parlant, celui de la réglementation. Le niveau 1 correspond à l’application et au respect des textes de base (Code, CCAG…) : les acteurs du processus ont-ils accès à la réglementation nationale et communautaire ? L’entité achat passe au niveau 2 si chaque demande d’achat entraîne la rédaction de documents contractuels : 50% des acheteurs ont-ils  rédigé au moins 3 types de procédures ? Si l’entité achat est en mesure de choisir le bon outil de passation en vue de rechercher la performance économique et si 80% de ses acheteurs ont rédigé au moins 3 types de procédures, elle atteint le niveau 3. Lorsqu’elle fait du conseil juridique, elle est parvenue au niveau 4. Et quand elle propose des  évolutions réglementaires, elle culmine au niveau 5. Autre illustration, celui de la connaissance de l’offre, dont voici les différents paliers : le service dispose-t-il d’une culture économique minimum, et consulte-t-il des sites internet spécialisés (niveau 1) ; établit-il une synthèse des marchés fournisseurs par segment et a-t-il constitué un portefeuille d’entreprises ? (niveau 2) ; effectue-t-il une veille économique sur un ou plusieurs segments ?  La traduit-il dans le cahier des charges ou le choix de la procédure ?  60% de ses procédures formalisées sont-elles couvertes par une stratégie d’acquisition ? (niveau 3) ; 80% des achats sont-ils fondés sur des études de marché (niveau 4) ; 95% des achats sont-ils appuyés par des études de marché ? (niveau 5). La formule suppose un fort investissement des services achats du ministère, puisque les résultats reposent sur un autodiagnostic. L’auto-évaluation est collective. Pas question pour le chef de service de remplir, seul dans son coin, la grille. Ni de noter, à l’instar un bulletin scolaire, la compétence de ses équipiers. La matrice est, en quelque sorte, une photographie des façons d’acheter.

Déploiement général à la fin de  l’année

«  Qu’il y ait des zéro et des un n’a rien de choquant, prévient Jean Bouverot, car il s’agit avant tout de voir ce qu’il faut faire pour améliorer. » Le patron de la mission espère avoir sous la main un « vrai diagnostic » afin de pouvoir proposer un plan d’action efficace : « peut-être manque-t-il des outils ou des moyens ? La matrice sera un excellent moyen de faire remonter les difficultés de la base. Cela ne servira à rien d’être une star sur un segment. Le but est d’obtenir un niveau homogène, puis de passer au niveau suivant, de progresser globalement », poursuit-il. C’est pourquoi la note générale est déterminée par la note la plus faible. Malgré une majorité de 3 ou de 4, un service restera globalement à 1 ou 2 si un des domaines - l’achat durable par exemple – demeure embryonnaire. « Nous voulons pousser l’administration à faire des efforts sur ses points faibles », renchérit Christian Traoré. Il y a quand même un talon d’Achille. Que se passera-t-il si le service est tenté par la « gonflette » ? A l’inverse, un supérieur hiérarchique, soucieux de sa réputation, pourra refuser tout net d’entériner des notes qu’il estimera trop faible… « Nous vérifierons certaines appréciations », répond Christian Traoré. Le dispositif  a été expérimenté sur une trentaine de sites : le service parisien de soutien de l'administration centrale (SPAC), la "biffe" avec le service central d’études et de réalisations du commissariat de l’armée de terre (SCERCAT), l’armée de l’air avec la structure spécialisée d’achat et de mandatement de Brétigny (SSAM)… Juin et juillet ont donc été studieux pour ces organismes avec la présentation du module, la constitution des équipes chargées de remplir le questionnaire, et le diagnostic proprement dit. La synthèse et le rendu des résultats sont prévus pour la mi-septembre.  Si tout va bien, la matrice sera étendue à tout le ministère dès décembre prochain.