Intangibilité de l’offre et rectification d’erreurs matérielles

  • 15/09/2011
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Un litige opposant le département des Hauts-de-Seine à la société Parenge a conduit le rapporteur public Nicolas Boulouis a demandé au Conseil d’Etat d’admettre que le principe de l’intangibilité de l’offre ne fait pas obstacle à la rectification d’erreur matérielle, à la condition toutefois qu’elle soit minime et qu’elle n’ait pas d’influence sur la comparaison des offres.

Le principe de l’intangibilité de l’offre s’oppose-t-il à la rectification d’erreurs matérielles ? Le rapporteur public Nicolas Boulouis a, lors de l’audience du 12 septembre, demandé à la haute juridiction de reprendre la théorie développée par le juge du référé précontractuel dans son ordonnance du 20 avril 2011 (1). En l’espèce, un groupement d’entreprises, dont la société Parenge est mandataire, a déposé une offre pour un marché à bons de commandes portant sur des travaux à caractère urgent ou imprévu sur les ouvrages du réseau départemental d’assainissement lancé par le département des Hauts-de-Seine. S’étonnant de la faiblesse du prix 903 du BPU, le pouvoir adjudicateur a demandé des précisions au mandataire qui a reconnu une coquille puisqu'il fallait comprendre 220 euros et non 22 euros... L’entreprise a donc modifié son BPU. Erreur ! L’offre a été rejetée au mon du principe de l’intangibilité de celle-ci. Un référé précontractuel a donc été déposé. Annulant partiellement la procédure, le TA de Cergy-Pontoise a considéré que « si les dispositions de l’article 59-I du code des marchés publics n’autorisent pas le candidat à qui il est demandé de préciser ou de compléter la teneur de son offre, à modifier cette dernière, ce qui serait constitutif d’une rupture d’égalité entre les candidats, elles ne font néanmoins pas obstacle à la rectification d’erreurs matérielles, notamment lorsque celles-ci sont minimes et n’apparaissent pas susceptibles d’avoir une influence sur la comparaison entre les offres et le choix des candidats ». Il ajoute que compte tenu de « l’incidence négligeable de la rectification en cause sur le montant global de l’offre de l’intéressée s’élevant au montant non contesté de 2.365. 897 € HT, la rectification demandée par la société PARENGE en réponse à la demande de précision qui lui avait été adressée ne justifiait pas à elle seule l’élimination de son offre ».

Rectifier les erreurs matérielles minimes

Dans ses conclusions, le rapporteur public rappelle que l’article 59-I du CMP interdit la modification d’une offre incomplète ou imprécise, le pouvoir adjudicateur pouvant seulement demander des précisions. Ainsi, l’absence de signature d’un acte d’engagement vaut rejet sans possibilité de régularisation ou bien une commission d’appel d’offres ne peut pas retenir une offre irrégulière sous réserve d‘une régularisation postérieure. Du côté des erreurs minimes, Nicolas Boulouis évoque le cas d’une photocopie qui n’est pas certifiée conforme ou d’une pièce de l’offre qui se retrouve dans le dossier de candidature. L’erreur matérielle est donc celle qui appelle d’elle-même la rectification. Dans une proposition financière, l’erreur matérielle est-elle une absurdité ou une incohérence ? Par exemple, lorsque le prix est sans rapport avec la réalité du coût ou en cas de contradiction entre les documents de l’offre, notamment entre le BPU et le DQE. « Le remède à la contradiction se trouve dans la hiérarchie des documents contractuels, mais si elle ne joue pas, quel prix choisir ? Comment traiter les oublis ? » s’interroge le rapporteur public. Dans la présente affaire, 22 euros au lieu de 220 euros, est-ce un oubli ou d’une absurdité ? La sanction naturelle aurait du être l’éviction plutôt que la correction de l’erreur, mais le juge indique dans son ordonnance que la rectification est possible quand l’erreur est minime et sans influence. Le rapporteur public note que le juge du référé a utilisé dans son ordonnance l’adverbe « notamment ». D’autres hypothèses de rectifications peuvent-elles être envisagées ? « Cette théorie oblige en outre le juge a procédé à un classement fictif des offres pour voir si la rectification a eu ou non une influence, précise Nicolas Boulouis. En raison du principe de l’intangibilité de l’offre, il y aurait lieu de sanctionner l’ordonnance. Mais, ajoute-t-il, quand une erreur matérielle est imputable à l’une des parties, la rectification est envisageable s’il est impossible à l’autre partie de s’en prévaloir de bonne foi ». Dès lors les enjeux et les principes sont différents : en amont, l’égalité de traitement des candidats, en aval la loyauté des relations contractuelles. Faut-il alors refuser toute modification ou l’admettre dès lors que le contrat ne peut pas être exécuté de bonne foi ? Le rapporteur public penche en faveur de cette seconde solution, qui est selon lui compatible avec la jurisprudence sur l’exécution des contrats. Nicolas Boulouis propose donc de censurer l’ordonnance du 21 avril en ce que le juge n’a pas recherché si l’erreur est telle qu’il est impossible à la partie de s’en prévaloir de bonne foi, de reprendre la théorie de l’erreur matérielle développée par le juge du référé et dans la mesure où le rejet de l’offre a lésé l’entreprise, d’annuler la procédure au stade de l’examen des offres. Le Conseil d’Etat rendra sa décision d’ici peu.

(1) TA Cergy Pontoise, 20 avril 2011, Société Parenge c/ département des Hauts-de-Seine, n°1102708