Vosgelis adopte une charte éthique

  • 04/11/2011
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L’office public d’habitat des Vosges a désormais une charte éthique, cadre comportemental de ses salariés. Mais contrairement à d’autres guides déontologiques, l’organisme n’est pas entré dans le détail, préférant en appeler à l’intelligence de ses équipes, notamment dans leurs relations avec les fournisseurs.

Depuis quelques semaines, Vosgelis, office public d’habitat des Vosges, dispose d’une charte éthique. De portée générale, elle concerne naturellement les achats qui sont d’ailleurs à l’origine du projet. « Tout a démarré lors d’une formation APASP au printemps 2010 au cours de laquelle Catherine Bergeal, la directrice des affaires juridiques de Bercy, avait expliqué la nécessité de mettre en place des chartes déontologiques », se souvient Régis Courroy, responsable des achats de Vosgelis. L’idée prend encore plus de valeur avec la sortie du rapport sur la prévention des conflits d’intérêts début 2011, puis la présentation du projet de texte en conseil des ministres l’été dernier (1). Après validation du principe par la direction générale, un groupe a rédigé le texte, avec un objectif en tête : « formaliser les valeurs qui sont les nôtres depuis que l’office existe, des valeurs comportementales qui n’avaient jamais été couchées sur le papier », explique Régis Courroy. Ramassée sur une feuille, la charte rappelle les grands principes - professionnalisme, proximité, transparence, égalité de traitement et responsabilité - qui doivent guider le travail de chacun (2). Vosgelis n’a pas voulu entrer dans le détail, rappeler les risques pénaux, lister les points sensibles potentiels et prodiguer des conseils, à l’image de la version retenue par le ministère de la Défense (3) ou du document adopté, en janvier, par le conseil général du Bas-Rhin qui répond à des questions du type : lorsqu’un acheteur se rend à un salon professionnel, peut-il profiter du transport en commun mis à disposition par l’entreprise pour ses invités, et peut-il participer à un déjeuner ? (4).


De gauche à droite : Régis Courroy, Thierry Beaugé, Jean-François Marchal (directeur général), Céline Ricci (juriste) et Rafaël Delforge (directeur administratif)

Responsabiliser les salariés

L’office a préféré responsabiliser ses troupes. « Entre les grands principes et le terrain, il y a un équilibre à trouver dans ses relations avec les entreprises », traduit Régis Courroy qui insiste sur la nécessité de rencontrer les fournisseurs pour mieux connaître l’état de l’offre. Pas d’interdit donc, comme dans le Bas-Rhin, où « accepter des invitations au restaurant, des cadeaux des entreprises entraine pour l’acheteur public une perte d’indépendance, perte d’intégrité, des conflits d’intérêt, et une ambiguïté dans les relations de travail. Dans ce cadre, tout avantage octroyé par des entreprises doit être refusé. » Pas de plafond non plus par exemple pour accepter ou refuser un présent, objets promotionnels, chocolats et autres petites attentions. La charte fournit les grands chapitres d’un « comportement adapté », notamment faire preuve d’intégrité, s’interdire de solliciter des cadeaux, des avantages ou d’en accepter qui aient une valeur significative ou d’informer la hiérarchie lorsque le salarié a connaissance d’infractions ou se trouve face un conflit d’intérêts. Pour l’acheteur vosgien, « chacun doit se déterminer en son âme et conscience. » Chargé de coordonner l’action des techniciens des différentes agences de Vosgelis, Reynald Georgel, quinze ans de maison, estime que l’initiative, en mettant par écrit les valeurs de l’OPH, conforte tout ce qui était déjà fait, par exemple le souci « d’impartialité et de transparence » dans les choix des prestataires. « Tout cela va dans la bonne direction. Jusqu’à présent, les comportements étaient personnels. Chacun gère ses chantiers et les relations avec ses fournisseurs jusqu’à la réception du chantier. La Charte va apporter une homogénéité des comportements ». Reste à définir la ligne jaune qu’il ne faut pas dépasser, surtout lorsqu’il s’agit d’entreprises locales qui travaillent depuis longtemps avec le donneur d’ordre. « Notre souci, c’est de réaliser les meilleurs travaux possibles. On doit garder des relations professionnelles axées sur la bonne réalisation des marchés de travaux. Etre invité à un déjeuner suite à une réception de travaux, ça peut arriver, mais cela ne pose pas de problème. »

Pourvoir se regarder dans la glace tous les matins

Pour en parler, Vosgelis a demandé à Thierry Beaugé, ancien acheteur, formateur-consultant, et vice-président de la branche française de Transparency International (ONG de lutte anti-corruption) de venir commenter la charte et d’aborder le sujet avec l’ensemble du personnel au mois d’octobre. Deux groupes ont été constitués, dont l’un plus dédié au public en rapport direct avec les marchés publics. « Il n’y a pas de problème particulier chez nous, mais l’on voulait entamer un dialogue. Et Thierry Beaugé est un sage qui a beaucoup d’expérience et qui est capable de donner des conseils », assure Régis Courroy. L’ancien secrétaire général de l’UGAP ne s’est pas privé de distiller les anecdotes qu’il a toujours dans sa « gibecière » comme ce cahier des charges techniques précisant le longeron d’une automobile au millimètre près et empêchant un fabricant de répondre à l’appel d’offres. « C’était involontaire, une bêtise liée à un copier-coller, mais l’on peut être accusé de délit de favoritisme. » Il a évidemment abordé les relations acheteurs-fournisseurs. « L’office en appelle à l’intelligence de ses salariés. Il ne s’agit pas de prohiber les déjeuners avec des prestataires. Un, ça va. Mais un repas tous les jours, ça ne va plus, tout comme un déjeuner suivi d’un dîner. C’est la même chose pour les cadeaux. Certains perdent leur indépendance de jugement à 20 euros, d’autres à 200… ». En guise de conclusion, le consultant a pastiché Tu seras un homme mon fils de Rudyard Kipling. « Une charte comme celle-ci, c’est un document collectif et individuel. Sans faire de morale, et en restant très sobre, j’ai essayé de leur faire comprendre que l’essentiel est de pouvoir se regarder en face dans la glace tous les matins. Je pense que cela les a touchés », termine Thierry Beaugé, qui espère que l’initiative vosgienne donnera des idées à d’autres offices d’habitat.

(1) Lire : Conflits d’intérêts: le projet de loi présenté en conseil des ministres

(2) Télécharger le document Charte éthique de Vosgelis (113.33 kB)

(3) Lire : Une charte de déontologie pour les acheteurs du Mindef

(4) Télécharger le document Guide de déontologie de l'achat public du Bas-Rhin (1.29 MB)