Edito 608

  • 14/10/2016
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Plus belle la commande publique, saison 3, épisode 12

Dans la salle d’attente du cabinet du docteur Mylène Pahebas, Adhémar Chaidetravot, le teint livide,  l’œil chassieux, prend son mal en patience en feuilletant d’un œil distrait un vieux numéro du magazine Clauseur, la revue « pipeul » de l’achat public. Après plus d’une heure d’attente, c’est enfin son tour. « Alors qu’est-ce qui vous arrive ? », interroge la médecin qui dégaine, sans attendre la réponse, son tensiomètre et empoigne le bras gauche de son patient. « En effet, c’est pas fameux. Et on dirait que vous avez pris du poids aussi. C’est bien d’avoir introduit le sourcing dans vos textes réglementaires, mais les déjeuners au restaurant lors des visites de salons, ça alourdit la bête », fait remarquer la généraliste. « J’ai tellement de soucis que je n’arrive plus à trouver le sommeil. Il y a quinze jours, on a rejeté une candidature déposée en ligne parce que ni le DC1 ni l’acte d’engagement n’étaient signés. Ça n’a pas loupé, direct le contentieux. Le juge répond qu’en cas de souci, le bon fonctionnement de la plateforme nous incombe (lire notre article) », répond l’acheteur du département de Vésubie-Inférieure,  « et quand j’arrive enfin à tomber d’épuisement dans les bras de Morphée, je fais des cauchemars épouvantables. Avant-hier par exemple, je me suis réveillé en sueur, le palpitant en mode supersonique, après avoir rêvé qu’un reptile anadyomène m’enserrait avant de m’entraîner dans les flots ». « Oui, je vois, c’est surement l’annonce du début des travaux concernant votre serpent de mer, le code de la commande publique (lire notre info) », diagnostique la toubib. « Docteur, je vous assure, je glisse petit à petit vers la schizophrénie. J’ai des hallucinations acoustico-verbales. Les élus me demandent à la fois de massifier nos achats et de privilégier les entreprises du territoire. La préférence locale n’est pas un gros mot, m’a asséné un vice-président. On me dit de faire des économies et de me procurer les tenues des sapeurs-pompiers en me regroupant avec d’autres SDIS (lire notre article), alors que le vice-président de la chambre de commerce locale est fabricant de chemises…  Je me surprends moi-même à éclater de rire nerveusement au bureau, ou à soliloquer dès que je vais aux toilettes.» « Vous êtes surtout trop émotif », relativise la médecin de famille, « si vous voulez que les PME du coin répondent à vos marchés, adoptez une attitude marketing, vendez vos consultations, allotissez de façon futée, réfléchissez à une stratégie de publicité (lire notre article). Dans le Var, ils ont décidé d’harmoniser leurs pratiques et de monter une plateforme unique (lire notre article). Ne vous inquiétez pas, il vous faut juste un peu de repos et des corticoïdes.» Bon allez, c’est le terme de cet édito frisant le délire paranoïde. A la semaine prochaine, peut-être.

Jean-Marc Binot