
Concessions de service public : Face à face ET dos à dos
Victor Hugo
Avant, c’était plus simple ; pas forcément "mieux ", mais plus simple. A côté des marchés, les concessions. Avec le code de la commande publique a été mise en avant la notion de contrat de la commande publique, dont marchés publics et concessions sont les deux piliers (CCP, art. L.1 et s.). On s’est alors interrogé : les deux modalités de commande publique se rapprocheront-elles (relire" Concessions et marchés publics : le grand rapprochement ?") ?
Mais jusque-là, c’est encore basique : dans la concession, le risque d’exploitation est assumé par le concessionnaire. Et, de façon récurrente, on rappelle que le choix du mode de gestion des services publics locaux n’a aucun lien avec la couleur politique des exécutifs locaux : il est avant tout pragmatique (lire "Plus compétitive, la gestion déléguée ?").
Satisfaction
Le Conseil départemental du Loiret, lui, ne cache pas sa satisfaction (lire "Une DSP bien négociée pour accélérer le déploiement de la fibre dans le Loiret"). « Le contrat de 230 millions d’euros que le département va signer le 5 mars prochain, prévoit que le déploiement du réseau fibré devrait être achevé d’ici 2023. Il n’en coutera pas un centime à la collectivité. » Pierre Couturier, directeur général adjoint du pôle performance de la gestion publique explique : « Le département a décidé de ne pas se focaliser sur les choix technologiques, l’organisation du délégataire, les moyens humains, etc... mais sur le respect d’un calendrier et sur une disponibilité optimale du réseau ». Autrement dit, jouer vraiment la carte de la délégation : à chacun son rôle !
Pourtant, les concessions reviennent sur le devant de l’actualité, politique et contentieuse. D’une part, des débats nationaux émergent et attirent l’attention sur le choix du mode de gestion d'un service public : ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, vente des actions étatiques du groupe ADP et grands contrats de l’Etat (concessions d’autoroute, aéroportuaires…). D’autre part, de nombreuses délégations arrivent à leur terme. C’est l’heure du renouvellement (éventuel) ou de la mise en œuvre de nouvelles procédures de passation (lire " La description succincte des besoins des DSP contestée").
Cogitations
De nouvelles questions sont ainsi portées devant les prétoires. L’épineuse question des "biens de retour" alimente particulièrement la jurisprudence, avec une complexité surprenante : les provisions dédiées aux gros entretiens et renouvellement et les investissements engagés par le délégataire pour des biens encore inachevés peuvent-ils être qualifiés de bien de retour (relire "La théorie des biens de retour au regard des provisions et des biens inachevés") ? Cela vire même au très compliqué : "comment évalue-t-on ces biens de retour ?" -"En fonction de leur amortissement ! " - "OK. Mais quelle est la nature de l’amortissement à prendre en compte dans un tel scénario : amortissement comptable ou économique ?" (lire "Du nouveau dans le calcul de l’indemnisation des biens de retour").
C’est aussi ce critère fondamental du risque d'exploitation qui est réinterrogé. Récemment, le Conseil d’Etat a organisé un colloque "Concessions et privatisations : quelle articulation ?" (lire " Le concédant est-il tout puissant ?"). Des débats au cours desquels un constat est dressé : le contrat de concession d’aujourd’hui s’éloignerait de celui façonné par la jurisprudence administrative. La relation contractuelle serait, selon certains intervenants, de plus en plus déséquilibrée… au profit du concédant. Ils considérent que « les notions d’équilibre du contrat et de préservation de la continuité du service public sont des "jargons" de l’imprévision ». Il y aurait donc un déséquilibre de la relation au détriment du concessionnaire.
Extrapolation
Vraiment ? On peut opposer à cette affirmation des contre-analyses. Parfois, la recherche de l’équilibre économique mène le juge à reconsidérer, en faveur du concessionnaire, les subventions d’investissement importantes. A propos de la construction et l’exploitation du tunnel Prado Sud, à Marseille (lire "Contrôle de l’augmentation par avenant de la subvention du concessionnaire de service public") la CAA de Marseille juge qu’un avenant portant, « il est vrai », le montant de la subvention d’investissement accordée par la collectivité au concessionnaire de 9 987 056 euros à 34 381 629 euros, soit une hausse de plus de 24 millions, ne constitue pas une modification substantielle du volume des investissements...
Dans son rapport annuel 2020, la Cour des comptes (lire "La restauration collective épinglée par la Cour des comptes") pointe les faiblesses de la concession, notamment en matière de restauration collective : d’une part, « les personnes publiques ne mènent pas d’évaluation de la performance » ; d’autre part, la cour signale un autre déséquilibre... mais celui-ci au détriment de la collectivité : « Les communes compensent normalement la différence entre le prix de revient des repas, supporté par le délégataire, et les tarifs qu’elles fixent. Elles sont donc exposées budgétairement aux variations, à la hausse comme à la baisse, du nombre de repas distribués. De plus, […] elles prennent souvent en charge les pertes liées aux impayés et assument la majeure partie du risque d’exploitation ».
Finalement, entre marchés et concessions, il y a bien peut être un point (faible) commun : l’absence d’évaluation globale, voire de contrôle.
Jean-Marc Joannès


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