L’acheteur public, un « accro à l’appro »

partager :

"Les mots sont la plus puissante drogue utilisée par l'humanité"
Rudyard Kipling



Ce pourrait être une lapalissade : l’acheteur public a pour mission de répondre à un besoin. Si celui-ci n’est au final pas assuré, c’est l'échec. Mais la crise sanitaire et ses conséquences sont passées par là, avec notamment l’épisode désastreux de l’approvisionnement en masques (relire "Achat de masques : entre arnaques et piraterie"). L’heure est désormais, après ce shoot d’adrénaline, au constat et à l'analyse, notamment par la Cour des comptes (relire "La Cour des comptes s’intéresse aux achats de masques durant la crise de la Covid-19" et "Achat de masques par l’Etat : historique et bilan chiffré officiels ).
 

Petites piques

C’est aussi lire l’heure des règlements de comptes et des "piques" plus ou moins bien senties… et ressenties (relire "Masques achetés à l’étranger : « Que chacun prenne ses responsabilités !"). Le tout, à l’heure où la campagne électorale se focalise, sans surprise, sur la préférence locale et la relocalisation industrielle (lire "Achat de masques français : « il serait temps que les collectivités locales et les hôpitaux s’y mettent ! »").
 

Addict à la supply chain

C’est un constat : sous la pression, l’acheteur public est donc devenu "addict à la supply chain", redoutant le "manque". Prêt à prendre tous les risques. Même celui d’abandonner tout son univers normatif (on n'a pas écrit "zone de confort"... on n'ira pas jusque là !), comme le note la Cour des comptes : « certains achats ont été passés directement en Chine, sans le recours traditionnel à des fournisseurs français. Ensuite, les marchés ont été conclus aux conditions requises par les fournisseurs. »
 
Les acheteurs français ont-ils démérités ? Assurément non, et le "grand dérèglement" qu’ils ont plus subi que généré, a bien été mondial (relire "Les achats de masques et vaccins ne passent pas le cap de la transparence").« Que de chemin parcouru entre hier où l’on nous confiait seulement la passation des marchés et aujourd’hui où nous avons la responsabilité de toute la supply chain ! » (relire "Les acheteurs français se sentent "au cœur des choses" ").
 

Piqures de rappel

Désormais, nul colloque ou autre "webinaire" au cours duquel la gestion de l’approvisionnement n’est pas abordée. Avec, sans cesse, le rappel de cette évolution de l’achat public, ce n’est plus qu’une "simple" mission de passation de procédures en bonne et due forme, mais aussi le suivi de l’exécution du marché et, surtout, une attention soutenue à l’égard des fournisseurs. Le Médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet le rappelle à l’envi : l’achat responsable, qui tient pour fondamental le respect des prestataires est aussi un enjeu de souveraineté (relire "Achat responsable et reporting extra financier : «c'est aussi un enjeu de souveraineté »"). « Il faut que nos référentiels prennent toute leur place et non des référentiels américains ou chinois, qui s’emparent du sujet »
Alors, depuis la crise, les « astuces » sont mises en avant (relire "Astuces pour vérifier la supply chain des candidats à un marché public").
 

Eviter la rechute

Mais pour éviter une "rechute" et une nouvelle faillite de la commande publique, on entame la revue de détail de la "boîte à outils" qu'est le code de la commande publique. Juste pour aller au-delà de l'"astuce". On fouille dans tous ses recoins pour évaluer justement ces outils juridiques : "Il y en a !" (lire "Le code de la commande publique au secours de la sécurisation des approvisionnements").
On découvre ainsi les vertus du système d’acquisition dynamique, outil peu en vogue auprès des acheteurs, mais qui paraît particulièrement adapté pour sécuriser les approvisionnements. Ainsi, le jury des Trophées de la commande publique édition 2021 a décerné un trophée au Groupement hospitalier de territoire de Loire Atlantique : il (GHT 44) déploie le SAD pour l’achat de fournitures à usage unique et assure ainsi la sécurité des approvisionnements (lire "Winner d’un TCP "performance de l'achat public" : le SAD donne le smile au GHT 44").
 

Les cracks de l’achat public

Alors, oui, désormais, l’acheteur public doit être un crack… et ne pas « craquer »
D’abord, parce qu’on s’oriente vers la mesure de son efficacité, quitte à le passer sur le grill, avec la mise en place progressive sur la fonction achat d’un "ROTI", pour "return on time investissement" (relire "Quelle rentabilité des acheteurs publics ?" et "Achat public hospitalier «Les bonnes compétences sur les bonnes fonctions !»").
Une petite pensée pour les agents publics, qui agissent dans un contexte (statutaire) particulier. Il faut décidemment être un crack, alors que l’on ne cesse de d’exhorter les acheteurs à se "professionnaliser", tout en restant, en tant qu'agent public, "polyvalents". Récemment, la CAA de Bordeaux a mis en lumière l’injonction paradoxale posée aux acheteurs fonctionnaires : "Ayez la technicité de votre poste et la polyvalence de votre grade !" (lire "Acheteur public en collectivité, ce métier pas comme les autres !").

De quoi s’interroger à nouveau sur la pertinence d’une définition statutaire de l’acheteur public (relire "L’acheteur public vu par le CNFPT") ; sur la plénitude de ses missions (relire "Le métier d’acheteur public c’est aller au-delà des textes tout en restant dans le texte") ; sur ses "soft skills" (relire "Etre un bon acheteur, c’est faire preuve d’intelligence émotionnelle").
Par application de l’adage "pas d’obligation sans droit" (la réciproque est vraie !), voire même par souci de parallélisme des formes, la question est alors posée : « Et si on établissait une grille type des salaires des acheteurs, commune au secteur public et au secteur privé ? » (relire "Les acheteurs français se sentent "au cœur des choses").

Le constat a été posé que le strict respect des règles de la commande publique n’a pas semblé suffisant pour faire face à l’exigence renforcée de sécurité des approvisionnements en toute urgence. Les dispositions du droit de la commande publique ne semblent pas efficaces, à elles seules, pour assurer à l’acheteur la sécurité des approvisionnements. C’est alors au son bon sens de l’acheteur public qu’il faut faire appel (relire " Sécurité des approvisionnements : "encore une fois, c'est le bon sens qui prime").


Alors, ce n'est ni fair-play, ni prudent (sait-on jamais...) de leur taper dessus...