Les externalités positives de l’achat public

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« L'héroïsme, c'est comme le soufflé au fromage : ça ne supporte pas d'attendre »
Marcel Pagnol


Ce que montre l’édition 2022 des Trophées de la commande publique, c’est que les acheteurs publics jouent le jeu de la nouvelle commande publique. Ils admettent que celle-ci, au-delà de l’objectif de satisfaction des besoins publics, est aussi un levier au service des politiques sociales et environnementales. En plein dans le cadre fixé par le PNAD ! On pourrait rassembler ces efforts notables, et ces résultats, dans une rubrique "externalités positives" de l’achat public. Très bien. Mais jusqu'où  et à quelles conditions ?
 

Innovation et pragmatisme

Le jury a tranché et les lauréats 2022 des Trophées de la commande sont connus. Un travail délicat, avec beaucoup d’échanges appuyés (mais dans la bonne humeur !) pour départager plus de 50 dossiers (lire "Trophées de la commande publique : les lauréats 2022 ? Volontaristes, innovants et pragmatiques !"). Cette édition des Trophées de la commande publique souligne sans conteste l’engagement des acheteurs publics dans l’achat durable, et ce malgré un contexte économique difficile. A l’honneur cette année, la recherche d'opérationnalité et la prise en compte des ressources locales.
A noter également que 2 des 6 lauréats ont utilisé le dispositif "Marchés innovants" ; d'autres se sont groupés pour créer une application pratique, "à leur main", pour permettre la bonne évaluation qualitative des denrées alimentaires à acheter. Autrement dit, les acheteurs publics n’ont pas peur de l’innovation et savent se construire les outils qui leur semblent nécessaires.
Une forme de pragmatisme, à l’heure où, pourtant, ils pourraient se sentir quelque peu déboussolés, alors que l'on demande tant à la commande publique....
 

Force centrifuge

Connaître ses achats et définir sa stratégie, et suivre ses achats au-delà de la procédure de passation en elle-même, c’est du bon sens. La question qui se pose aussi, c’est d’évaluer à partir de quel moment le mouvement « centrifuge » d’assignation d’objectifs multiples à l’achat public risque d’entrer en contradiction avec l’objectif « initial », la vocation première, de l’achat public.
Que penser par exemple du rapport de la Délégation aux entreprises du Sénat, qui propose d’introduire la prise en compte de la Responsabilité sociale des entreprises dans la passation des marchés publics (lire "RSE : trouver le bon dosage dans la commande publique") ?
Ces sénateurs considèrent que la loi "Climat et Résilience" n’a modifié le code de la commande publique que de manière « symbolique » ; il faudrait aller plus loin : «la commande publique serait un puissant levier pour favoriser le renforcement de la RSE dans les entreprises», et instaurer un principe de «RSE mieux-disante» dans le code.

Voilà une proposition qui ne manquera pas d’exaspérer ceux qui trouvent que l’on en demande trop, et à mauvais escient, à l’achat public, au risque de le dénaturer. « Le concours Lépine du plus social heurte de plein fouet la thématique de l’accès des PME à la commande publique » s'insurgeait récemment dans nos colonnes Jérôme André (relire "Des critères RSE ? Quel lien avec l'objet du marché ?").
Me Jean-Marc Peyrical nous a également fait part de ses doutes, face aux nouveaux objectifs assignés à la commande publique : « Le code de la commande publique est-il compatible avec ces objectifs d’efficacité et de bonne gestion des deniers publics ? » Quel est le rôle d’une collectivité publique ? Satisfaire les besoins de ses administrés-usagers et gérer les services publics et activités d’intérêt général correspondant à ses compétences et/ou intervenir dans l’économie ? » (relire "Vive la rentrée commande publique !").
 

Rester structuré

Le débat sur l’assignation d’objectifs multiples à l’achat public reste ouvert. Pour autant, et quoi que l'on en pense, la dimension "multi-objectifs" de la commande publique n’est possible qu’à partir d’une base solide. C’est ce que rappelle Franck Barrailler, qui plaide pour une stratégie achat « bien ordonnée ». Pour le Directeur de la commande et de l’achat public du Conseil départemental de Seine Saint Denis, qui veut structurer ses achats par l’intermédiaire de stratégies efficaces, doit commencer tout d’abord par organiser sa cartographie des achats (lire "Stratégie achat : "Une cartographie des achats, et après ?" et relire "Non ! La cartographie des achats n’est pas un outil juridique et économique. Il s’agit d’un outil de pilotage économique").
« Pas de bon achat sans nomenclature », rappelle très souvent le juge financier (lire "Une computation des seuils passe par une nomenclature achat")



C‘est aussi une règle élémentaire de stratégie : toute expansion durable n’est envisageable qu’à partir d’une base stable ...