Petit à petit, l’acheteur public aménage son nid...

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"Le mot réalisme ne veut rien dire. Dans une certaine mesure, tout est réaliste. Il n'y a pas de frontière entre l'imaginaire et le réel."
Federico Fellini


Il y a comme une forme de sagesse à considérer qu’il faut d’abord se préoccuper des choses sur lesquelles on peut agir, et avec efficacité. En matière de commande publique, cela signifie que tant que les grands débats sur l’achat durable, le soutien des politiques économiques, sociales et sociétales la commande publique au soutien d’une "réindustrialisation verte"(relire « "Réindustrialisation par la commande publique : les prises de position liminaires") ne sont pas suffisamment avancés, il faut s’en tenir au concret et au réalisable. Chercher à agir prioritairement là où l'on a prise...
Une sorte de pratique de "l’action de proximité" appliquée à l’achat public. 
 

Se poser les bonnes questions... mêmes les désagréables

A Toulon, on se dit que le bon achat public passe d’abord par l’acheteur public ; et donc par sa compréhension et son adhésion. Alors, quand il s’agit de mettre à jour un guide achat, autant qu’il soit complet et accessible.

Soit dit en passant, cela permettra d’éviter les régulières remontrances de Chambres régionales des comptes. Les magistrats financiers ne s’en cachent pas : ils ne se contentent pas principalement de s'assurer que les acheteurs publics respectent la règlementation. C’est la "performance achat" qui les préoccupe (Relire "[Interview] Performance achat : respecter le code de la commande publique n'est pas suffisant"). A ce titre, lors de leurs contrôles, ils vérifient l’existence, mais aussi la pertinence, des guides achat et en critiquent parfois la faiblesse (relire "Le déploiement d’une politique économique ne s’arrête pas à l’achat responsable" - "Une CRC tatillonne sur le contenu du guide "achats" d’une collectivité" - "Conflit d’intérêt et atteinte à la probité : des thèmes à aborder dans les guides internes" - ou encore "L'absence d’outils aidant à la computation des seuils peut être préjudiciable").

A Toulon, donc, l’enjeu pour la direction de la commande publique, c’est de rendre accessible et opérationnel leur guide achat. Ce qui implique, avant d’asséner des réponses, de poser des questions aux services concernés (lire "Toulon lifte son guide interne de la commande publique") : « Nous avons réalisé un gros travail d’audit pour répondre réellement aux attentes des services opérationnels ; car nous ne voulions ni faire un copié/collé du code de la commande publique, ni sortir un mémoire de cinquième année ».
 

Des pratiques achat responsable qui se répandent

Se poser, même en creux, les questions désagréables, c’est aussi la tâche que s’assigne l’Obsar, qui mesure la pratique des acheteurs en matière de développement durable.
Sa 14e édition révèle que dans leur ensemble, les acheteurs (privés/publics) se préoccupent dans leurs achats des aspects sociaux et environnementaux. Mais avec deux petits bémols : d’une part, il existe des inégalités selon la cause défendue. Sont prioritaires la diminution des consommations d’énergie, la réduction des déchets et la valorisation des produits en fin de vie ; à l’inverse, réduire les atteintes à la biodiversité et les quantités achetées restent des buts secondaires. D’autre part, les moyens humains déployés par les participants sur les sujets "achats responsables" seraient insuffisants au regard des ambitions par ailleurs affichées (lire "L’achat responsable : une ambition forte ... et des moyens à renforcer").
 

Regroupement et pragmatisme politique

A Brest, on se pose la question de l’efficacité de l'achat, au-delà des frontières administratives. Brest Métropole et les communes ont remplacé la trentaine de groupements d’achats constitués au fil du temps par un seul et, cette fois-ci, permanent, pour leurs besoins les plus courants. Avec un pragmatisme qui n’élude pas les questions de "souveraineté politique" : « Un outil simple, souple et n’entravant pas la capacité de chacun de mener ses achats de son côté pour ses opérations spécifiques » (lire "Brest heureuse de son groupement d’achat permanent").
Un groupement d’achat permanent formé avec les communes, les sociétés publiques, d’habitat, de tourisme, d’aménagement, de fourniture d’eau, etc. « Cela lui a, entre autres, permis de passer à travers les gouttes de la hausse des prix de l’énergie ».
 

Mesurer les impacts de l’évolution de ses pratiques

Le constat est simple : la tendance est à la location. Sur certains segments d’achats, tels que les logiciels, la location domine dans les offres des fournisseurs ; dans les secteurs qui connaissent une évolution technologique rapide entraînant une accélération de l’obsolescence des biens existants, l’acheteur est parfois contraint de se diriger vers la location. Mais là, il faut se montrer pragmatique, et mesurer les impacts du passage de la propriété à l’usage et ce que permet le cadre juridique comptable. « La comptabilité publique actuelle est construite dans une logique d’acquisition par la collectivité publique (...) Passer de l'acquisition à la location conduit également à un changement dans l’imputation de la dépense : de la section d’investissement à la section de fonctionnement » nous explique cette semaine Sébastien Taupiac (lire "De l'achat à la location, la comptabilité publique dépassée par les nouvelles pratiques de l’achat public ?").


Faudra-t-il réformer la comptabilité publique afin qu’elle soit davantage en adéquation avec la réalité opérationnelle de l’achat public ?
Comme quoi, travailler sur l’achat public "au quotidien" n’empêche pas de soulever des questions de fond... Bien au contraire ?