Le « faire comprendre», nouvelle compétence requise de l’acheteur public

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"Je ne cherche pas à connaître les réponses, je cherche à comprendre les questions"
Confucius


Il est bon, de temps en temps, de quitter l’analyse des arcanes de la réglementation de la commande publique pour se pencher sur son acteur principal : l’acheteur public.
 

Acheteur public, un rôle de premier plan

"Acteur"... Le terme est de mise, parce que de fait, il est de plus en plus mis sur le devant de la scène. La nouvelle commande publique, plus responsable, plus durable, plus soucieuse de la préservation du tissu économique, compte sur lui. Et l'on mettant en avant régulièrement, et à dessein, sa "professionnalisation" (relire [Interview] Olivia Grégoire : « L’acheteur public sait que ses choix ont un impact sur son environnement»") et "[Interview] Olivia Grégoire : " L'ambition est forte, mais les acheteurs publics sont prêts »").

"Acteur" également, parce que l’acheteur public se doit désormais d’être en représentation. « Soyez pédagogue et empathique ! ». Lors d’une journée d’échanges et de rencontres d’achatpublic.com, les intervenants pointent ainsi, en creux, une défaillance de communication de la part de l’acheteur public (lire "Etre pédagogue dans les achats : c’est jouer à l’acheteur").
 

Souplesse et accompagnement

L’acheteur public doit donc désormais savoir communiquer.
Communiquer avec les entreprises, d’une part. Maître Raphaël Apelbaum (LexCase), explique que de trop nombreux contentieux résultent d’une défaillance de communication entre l’acheteur public et un opérateur évincé (relire aussi "[Interview] Arnaud Latrèche : « Informer les candidats évincés, cela participe au renforcement de l’efficacité de l’achat public »"). Et l’avocat martèle, lors de son intervention : « Il ne faut pas avoir peur d’appeler les candidats. Il faut mettre du liant. Cela participe à l’efficacité de l’acte d’achat ». Appeler les candidats, mais aussi ne pas hésiter, bien en amont de la procédure, à informer les entreprises (relire "[Interview] Vous avez demandé SOS marchés publics... Un opérateur va vous répondre").

C’est aussi tout le sens de cette tendance aux "salons inversés", dont achatpublic.info relaie régulièrement la tenue (relire "La commande publique de l’Etat fait sa promo en Bretagne" et "Opération séduction des acheteurs publics (et privés) à Bordeaux") qui ont pour but non seulement d’informer tissu économique des tendances achats à court, moyens et long terme, mais aussi à rassurer les entreprises : non, la commande publique n’est pas si compliquée ....

« Souplesse et accompagnement, ce devrait être le leitmotiv de tout acheteur » assure ainsi Arnaud Latrèche. L'adjoint au directeur commande publique du département de la Côte-d’Or exhortait encore récemment dans nos colonnes: « N'imposons pas de contraintes aux entreprises là où la réglementation n'en pose pas ! » (relire "Une charte d'accès des PME en Côte-d'Or").
 

En interne aussi... et surtout ?

Savoir communiquer avec les entreprises, mais aussi en interne, "dans les services"...
C’est le second message passé lors de la journée d’échanges et de rencontres d’achatpublic.com. Un message véhiculé par l’Association des acheteurs publics : il est essentiel de revoir la posture des services achats, aussi bien à l’égard des opérateurs, qu’auprès des élus et des prescripteurs, considère Yannick Tissier Ferrer, directeur de la commande publique à la ville d’Antony et membre de l’Association des acheteurs publics (AAP). « Il faut casser cette image de juriste austère qui fait obstacle à l’action publique ». Ce serait la nouvelle mission de l’"acheteur public 3.0".
 

Une nouvelle « soft skill »

Les "soft skills" (compétences comportementales), telles que la curiosité, l’humilité ou encore la capacité à travailler en réseau seront clés pour l’acheteur public de demain analysait le Conseil national des achats il y a déjà deux ans (relire "Les acheteurs sont-ils prêts pour les Achats de demain ? "). On attend aussi de l’acheteur public une capacité au travail transversal, au "collaboratif". C’est donc attendre tout à la fois d’une capacité d'écoute (relire "Etre un bon acheteur, c’est faire preuve d’intelligence émotionnelle") comme une capacité à se faire comprendre.

Là, on aborde le "Legal design". Une façon de faire pour l’acheteur public que promeut avec ardeur Sophie Lapisardi. Avocat spécialiste en droit public dédié au droit public des affaires (cabinet Lapisardi Avocats) et Présidente de Lexclair (organisme de formation au Legal Design), elle explique que le Legal Design, appliqué plus particulièrement à la commande publique, permet de revoir ses processus internes pour améliorer la collaboration avec les autres directions et notamment la collaboration entre acheteurs et prescripteurs (relire"[Tribune] Pourquoi le Legal Design est incontournable pour une direction de la commande publique").

Elle considère que le Legal design représente aujourd’hui une compétence clé pour tous les acteurs du monde juridique, et a fortiori pour l’acheteur public, cet "empêcheur de tourner en rond", ou en tout cas bien souvent perçu comme tel en interne. Son crédo : « En apprenant à mieux communiquer avec des non-juristes, nous gagnons en visibilité et donc en pouvoir et en influence au sein de son organisme », et ce dans tous les champs d’intervention d’une direction de la commande publique (lire "[Interview] Sophie Lapisardi : "Communiquer efficacement sur des thèmes clés de la commande publique").

Message entendu par achatpublic.info : en partenariat avec le cabinet Lapisardi et Lexclair, nous publierons désormais régulièrement un des éléments constitutifs du Legal design : la visualisation graphique de l’information juridique ("lire" cette semaine "[Dessine-moi la commande publique] La composition d'un marché public".