CHU de Fort-de-France : une direction achats new look

  • 16/11/2009
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Poussé par de fortes contraintes budgétaires, le CHU martiniquais a créé, en 2008, une direction achats « plurielle ». Un savant mélange d’une équipe de juristes et d’une acheteuse venue du privé avec un transfert de compétences. Un coaching croisé qui lui vaut de monter sur la plus haute marche du podium des 2èmes trophées de la commande publique dans la catégorie « méthode et organisation ».

La rigueur budgétaire n’a pas que des mauvais côtés. A l’instar d’autres établissements, le CHU de Fort-de-France s’est doté d’un plan de retour à l’équilibre financier, avec forcément des économies à dénicher, notamment dans le domaine de ses achats. Le contexte pousse donc l’hôpital martiniquais à créer une direction des achats en août 2008, en ajoutant au respect des procédures une bonne dose d’efficacité économique. Jusqu’ici rien de novateur, puisque cette année là, 16 autres CHU ont suivi la même voie. Reste à passer d’une logique purement marchés publics à une démarche plus globale. « Nous voulions changer d’état d’esprit. Nous ne sommes plus dans l’application de procédures », résume Françoise Tanic, directrice des achats du CHU antillais, ingénieur hospitalier passé par la case DSI avant de tomber dans la marmite de la commande publique. L’acheteur du XXIème siècle, c’est un peu le mouton à cinq pattes avec, à son arc, des cordes juridique, administrative, commerciale et technique. Un pari compliqué avec une cellule marchés composée de trois juristes, deux diplômés en droit public sous contrat, venus d’autres collectivités, plus un agent titulaire expérimenté, formé sur le tas. Plutôt que de débaucher une équipe complète d’acheteurs dans le privé, l’hôpital de Fort-de-France choisit une solution médiane, avec un seul recrutement extérieur, une acheteuse  diplômée d’école de commerce, jusqu’ici dans la grande distribution, et la (trans)formation des personnes en place.


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Mme  Françoise Tanic, Mme Marguerite Madelaine, M. Bernard Cavignaux, M. Jean-louis Balmelle, Mme Aude Balaire et Mme Aude Ravillon


Le coaching croisé

L’hôpital joue la carte du « coaching » croisé. A charge pour les anciens rompus aux arcanes des marchés d’affranchir la nouvelle venue, plutôt néophyte. « Elle avait une petite connaissance des marchés, mais de l’autre côté de la barrière, car elle avait travaillé dans une agence de voyages et répondu à des appels d’offres. On lui fait une présentation générale du Code et on lui a confié une procédure avec l’aide d’un tuteur. » Au démarrage, les juristes ont un peu renâclé. « Cette idée de coaching les a inquiétés. Comme la nouvelle recrue ne connaissait rien à la réglementation, l’équipe, très à cheval sur ce genre de choses, a d’abord pensé aux risques encourus. » Au bout du compte, tout s’est bien passé. « Notre nouvelle collègue apprend vite et on a l’a mise dans le bain tout de suite. La mayonnaise a pris », assure Françoise Tanic.  En contrepartie, la recrue initie ses collègues aux techniques de l’achat, du benchmarking au sourcing, en passant par la négociation. L’équipe a certes suivi sur ces thèmes un stage long, d’une quinzaine de jours, en fin d’année 2008. Mais la confrontation de deux cultures semble encore plus efficace. « C’est intéressant de voir sa vision des choses sur les règles des marchés publics, comme par exemple l’accord-cadre pour lequel nous sommes en pleine réflexion. Alors que nous étions plus sur des marchés subséquents très formalisés, elle est partie du principe qu’il s’agissait avant tout d’un référencement et a proposé d’alléger les procédures en conséquence, en transmettant un simple fax aux fournisseurs lors de la mise en concurrence, ce qui n’est pas contraire à la réglementation. Son raisonnement nous a poussés à aller plus loin, à vouloir exploiter au mieux toutes les ficelles du Code», poursuit la directrice des achats.

Une organisation par portefeuille

La perspective de négocier n’a pas forcément déclenché l’enthousiasme général. « C’est vrai que ce n’est pas naturel pour un juriste de formation, mais ils y viennent. L’idéal serait d’avoir le réflexe de notre nouvelle collègue qui est toujours certaine qu’on peut encore gagner quelque chose. Cela demande un remue-méninges pour se débarrasser de son ancienne culture », admet Françoise Tanic. Pour autant, la négociation n’est pas systématique. « On le fait chaque fois qu’on le peut. Car négocier, cela se prépare. Il est impératif de connaître à fond son dossier avant d’engager les discussions. » Le face à face n’est pas non plus la règle générale. « Nous rencontrons les entreprises à deux ou trois, quand c’est profitable. » En outre, la situation insulaire et les marchés captifs n’arrangent rien. Confrontée  à des prix supérieurs de 30 ou de 40% par rapport à la métropole, la direction est obligée, pour élargir son panel de fournisseurs, de solliciter des entreprises guadeloupéennes ou  guyanaises. L’évolution des compétences s’est accompagnée d’une réorganisation. Les achats ont été divisés en quatre portefeuilles, confiés aux quatre « mousquetaires ». Main dans la main avec les services prescripteurs et consommateurs, chaque acheteur a pour mission, en 2010, de remettre à plat la définition du besoin, en se posant à chaque fois la question : pourquoi a-t-on besoin de cela ? La direction new look a plusieurs credo : une relation client/fournisseur, avec des enquêtes satisfaction et la systématisation des retours d’information ; la mutualisation (interne ou externe, avec UNIHA, le groupement des CHU) et l’homogénéisation des pratiques, « la même règle pour tous », synthétise Françoise Tanic qui actuellement travaille sur la politique « voyages » de son établissement, un budget important en raison de l’éloignement de la métropole. Quel est le bilan de tout ce travail ?  « Le véritable impact se verra en 2010 », promet-elle.