Résiliation du marché par l’entreprise : le Conseil d'Etat donne le mode d’emploi

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Les sages du Palais Royal ont admis que les parties peuvent insérer dans leur marché une clause permettant au cocontractant de le résilier de manière anticipée. Sous réserve que l’objet du contrat ne concerne pas l’exécution d’une mission de service public.

Dans quelles conditions les parties à un contrat public peuvent-elles prévoir une clause résolutoire en cas de méconnaissance par la personne publique de ses obligations contractuelles ? Dans une décision rendue le 8 octobre, le Conseil d'Etat a fixé les règles du jeu. En cause, le contrat de location de photocopieurs conclus entre le Musée des civilisations de l'Europe et de la Méditerranée, implanté à Marseille, et la société Grenke Location. Faute de pouvoir encaisser ses loyers, la société a résilié de manière anticipée le contrat en application de l’article 12 des conditions générales annexées au contrat de location. La CAA de Nancy a considéré que « cette clause, qui est de nature à porter atteinte à la continuité du service public, est contraire à l’ordre public ». La haute juridiction a annulé l’arrêt. Dans ses conclusions, le rapporteur public, Gilles Pellissier, avait proposé d’admettre la validité de telles stipulations pour les contrats qui n'ont aucun lien avec le service public. « L’objet du contrat en cause, la location de photocopieurs, ne concerne pas la continuité du service public. Il est donc compatible avec une clause résolutoire. La personne publique ne peut pas s’opposer à une telle clause », avait-il estimé.

Les conditions de validité de la clause résolutoire

rien n’empêche les parties de prévoir dans un contrat les modalités de résiliation

Le Conseil d'Etat rappelle que, normalement, une entreprise doit exécuter le contrat qui la lie à la personne publique, sauf en cas de force majeure. Le cocontractant ne peut dont pas se prévaloir des manquements ou défaillances de l’administration pour se soustraire à ses propres obligations contractuelles ou prendre l’initiative de résilier unilatéralement le contrat. Toutefois, et c’est là l’apport de la décision, rien n’empêche les parties de prévoir dans un contrat les modalités de résiliation en cas de méconnaissance par la personne publique de ses obligations contractuelles. Plusieurs conditions doivent alors être respectées. Il ne faut pas que le contrat ait pour objet « l’exécution même du service public ». Deuxièmement, le contractant ne peut résilier le contrat sans avoir mis à même, au préalable, la personne publique de s'opposer à la rupture des relations contractuelles pour un motif d'intérêt général, tiré notamment des exigences du service public. Dans ce cas, il devra poursuivre le contrat sous peine de voir le marché résilié à ses torts exclusifs. Si le motif d’intérêt général permet de neutraliser les effets de la clause résolutoire, le cocontractant pourra toujours se défendre en contestant ce motif devant le juge afin d'obtenir la résiliation du contrat. En l’espèce, le CE annule l’arrêt de la CAA. La cour s’était contentée de déclarer illégale la clause au seul motif « qu'elle permettait au cocontractant de l'administration de résilier unilatéralement le contrat en cas de retard de paiement des loyers ». Les sages du Palais royal lui reprochent de ne pas avoir recherché si cette clause répondait aux conditions ainsi fixées. L’affaire est renvoyée devant la juridiction d’appel.