Ni révision ni indemnisation malgré des consommations théoriques surestimées

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Telle est la conclusion du bras de fer juridique engagé par la société Eifficentre, attributaire en 2010 d’un marché de performance énergétique concernant 19 lycées de la région Centre-Val de Loire. Malgré la surestimation des consommations de gaz théoriques pour la production d’eau chaude sanitaire et les cuisines, le juge administratif a rejeté en appel la requête de l’entreprise, qui demandait l’indemnisation du préjudice subi ainsi qu’une révision du contrat passé avec la région pour modifier la consommation de référence.

En 2010, la région Centre avait été pionnière dans la mise en oeuvre des premiers contrats de performance énergétique (CPE), avec un marché concernant 19 lycées. Au terme d’un dialogue compétitif, le CPE avait été attribué pour 15 ans à Eifficentre, émanation d’Eiffage, qui s’était engagé sur une réduction de 42% des consommations d’énergie, assortie d’un système de bonus-malus en fonction des résultats. Or les chiffres n’ont pas été à la hauteur des attentes. « Selon les années, l’économie réalisée oscille entre 32 et 36% », précise Yann Baduel, responsable du service énergie et régie à la région. L’entreprise, qui doit donc supporter des pénalités, estime notamment être lésée par le choix des niveaux de référence retenus pour le calcul de la performance, qui englobe l’ensemble des consommations d’énergie sauf le gaz lié à la production d’eau chaude et aux cuisines. Pour ce dernier usage, c’est une estimation théorique qui a été retenue, faute de disposer de relevés de consommations réelles. Et c’est sur ce point que se cristallise le litige.

Désaccord sur la consommation de référence


En effet dès 2011, la consommation de gaz liée à l’eau chaude et aux cuisines s’est révélé « significativement inférieure à la consommation théorique estimée ». Eifficentre considère donc que le calcul global s’est retrouvé faussé et a tenté d’obtenir réparation. Après avoir demandé en vain à plusieurs reprises à la région d’accepter de modifier le contrat par un avenant, l’entreprise a finalement porté l’affaire en justice, devant le tribunal administratif d’Orléans puis devant la cour administrative d’appel de Nantes qui s’est prononcée le 23 novembre dernier. Dans sa requête, Eifficentre demandait le versement d’une indemnité de près de 219.000 euros pour réparation du préjudice subi, et l’obligation pour la région de modifier la consommation de référence sous peine d’une astreinte de 150 euros par jour. Dans son argumentation, le conseil d’Eifficentre a notamment soutenu que la région avait méconnu ses obligations contractuelles ainsi que le principe de loyauté « en refusant d’apporter au contrat les ajustements nécessaires à sa bonne exécution compte tenu des erreurs affectant les parts gaz cuisine et eau chaude sanitaire pour le calcul la consommation de référence ». Il a aussi estimé que la responsabilité sans faute de la région devait être engagée du fait du « caractère totalement disproportionné et totalement inexpliqué des incohérences entre les données de référence et les données de consommation réelle ». Autant d’argument qui ont été rejetés.

Pas de caractère imprévisible des écarts constatés


La cour ne nie pas qu’il y ait bien un écart entre les chiffres théoriques et la réalité. Mais elle considère qu’Eifficentre comme les autres candidats a été informé du caractère estimatif des données et « invité à réaliser un audit énergétique détaillé afin de pouvoir élaborer son offre ». Eifficentre, à cette fin, a missionné un bureau d’étude, ajoute le juge, et accepté, dans le cadre du dialogue compétitif, « les valeurs théoriques (…) déterminées sur la base d’une estimation dont elle n’a pas contesté les modalités ». La région n’a donc ni manqué à ses obligations contractuelles, ni méconnu le principe de loyauté. D’ailleurs, les deux parties, dans cette affaire, ont pris un risque « symétrique et identique » qui aurait aussi bien pu amener la région à verser un bonus en cas de sous-estimation. Enfin, puisqu’Eifficentre avait tous les éléments d’information nécessaires en main, le requérant ne peut légitimement invoquer le caractère « imprévisible » des écarts constatés pour demander une indemnité. L’exécution du contrat de performance énergétique va donc se poursuivre dans les conditions initiales jusqu’à son terme en 2025. Avec des attentes renforcées de la part de la région qui estime qu’il y a encore des axes de progrès dans sa mise en oeuvre, notamment sur la sensibilisation des usagers ou la conduite des systèmes énergétiques.