Les conditions d’une négociation contestées

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Depuis le 1er janvier, c’est la SAUR qui s’occupe de l’eau et de son assainissement pour le compte de l’agglomération d’Agen (Lot-et-Garonne) qui avait lancé une mise en concurrence afin d’unifier une prestation éclatée entre 11 contrats et une régie. Son concurrent, Véolia, qui critiquait la façon dont la négociation avait été menée, a déposé un recours devant le tribunal administratif mais a été débouté.

Afin de permettre aux usagers de réaliser des économies, l’agglomération d’Agen a souhaité uniformiser ses contrats de délégation de service public qui portent sur l’eau et l’assainissement : les 31 communes qui avaient 11 contrats différents et une régie ont aujourd’hui un contrat pour l’eau et un autre pour l’assainissement. « Nous avons un prix à 4,13 €/m3 d’eau, précise Jean-Yves Caron, directeur général adjoint du service eau, transports, stationnement, développement durable et contrôle des délégations, ce qui représente 200 € d’économie par an pour certaines familles. Cela nous a également permis de mettre en place des contrats plus modernes, plus transparents. » Cette démarche démarrée en 2010 a nécessité l'arrêt de tous les contrats – que se partageaient Veolia, Suez et Saur - en attendant leur échéance ou en les résiliant. « Veolia avait la plus grosse partie », précise Jean-Yves Caron. Les appels d’offres lancés fin  2017 portent sur une délégation de service public d’exploitation pour l’eau assortie de la reconstruction de l’usine de potabilisation de Sérignac (Lot-et-Garonne), d’une part, et un autre pour les installations d’assainissement supérieure à 2000 équivalents habitants, d’autre part.  L’objectif principal est l’amélioration des rendements et de la qualité. L’agglomération conserve une régie communautaire pour la gestion des réseaux d’assainissements inférieure à 2000 équivalents habitants, la maîtrise et gestion des investissements et maintient son service ingénierie.

Amalgame entre les deux contrats


Veolia, Saur et Aguas de Valencia présentent des offres début 2018. Après une période de négociation qui se déroule durant l’été 2018, le conseil communautaire attribue les deux marchés – eau et assainissement - le 11 octobre 2018 à l’entreprise SAUR pour une durée de 12 ans et un montant de près de 13 M€ par an.  Avant ce vote, Veolia dépose un recours auprès du tribunal administratif de Bordeaux, estimant que la procédure manque de transparence et que la durée de la période de négociation n’a pas été équitable.

Veolia estimait que nous n’avions pas assez distingué les deux procédures, que nous les avions menées comme s’il ne s’agissait que d’un seul marché

« Veolia estimait que nous n’avions pas assez distingué les deux procédures, que nous les avions menées comme s’il ne s’agissait que d’un seul marché », explique Aurélie Lespes, cheffe du service juridique de l’agglomération d’Agen. Si les candidats ont été convoqués le même jour pour présenter leurs offres pour les deux marchés, les procédures ont été distinguées par des moments de pause, une nouvelle feuille d’émargement et la tenue d’un autre jury.  Veolia dénonce le recours à des critères imprécis comme l’ancrage local et le souhait de n’avoir qu’un délégataire pour les deux services : « les exigences d’une implantation locale voire occulte par la confusion des procédures eau potable et assainissement par l’attribution de fait des deux concessions au même opérateur (…) ont laissé à l’autorité délégataire une marge d’appréciation inconditionnée», dénonce l’entreprise dans son recours. « Les trois candidats ont proposé l’ancrage local, on l’a noté, mais cela n’a pas influencé notre décision et on ne voulait pas forcément un seul candidat, précise Aurélie Lespes, mais SAUR est arrivée premier dans des deux : largement pour l’eau, un peu moins pour l’assainissement. »

Les négociations en question


« Nous avons reçu trois offres de qualité mais la SAUR est arrivée en tête dans tous les domaines, qu’ils soient techniques, de prix, de proximité avec l’usager mais aussi d’investissement (avec la rénovation de l’usine de Sérignac) et de transition énergétique (installation de toitures photovoltaïques et de turbines sur l’usine de Sérignac pour économiser l’énergie) », précisait Pierre Delouvrié, vice-président en charge de l’eau et l’assainissement dans le journal communautaire de janvier. Veolia a également relevé le fait que les négociations se sont prolongées avec la SAUR, ce qui pouvait avantager le nouveau délégataire.

La collectivité détermine librement les modalités de négociation avec les candidats admis à présenter une offre

« La collectivité détermine librement les modalités de négociation avec les candidats admis à présenter une offre, sous réserve du respect des principes généraux du droit de la commande publique notamment d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures », rappelle le magistrat dans son ordonnance, en s’adossant à l’article 1411-5 du Code général des collectivités territoriales (CGCT). « Nous avons organisé trois réunions de négociation avant la remise de l’offre finale le 13 août, Veolia a reçu un courrier de fin de négociation le 22 août, détaille Aurélie Lespes, nous avons arrêté les négociations pour tout le monde, mais même si nous avions poursuivi, nous n’aurions pas été en infraction. »