[ITV express] "Le nombre de sollicitations et de médiations adressées au Médiateur des entreprises a été multiplié par 10"

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Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises, est sur la brèche. S'il salue le dispositif "Urgence" mis en place, il rappelle que les dérogations importantes au régime de droit commun restent à l’appréciation des acheteurs... "qui doivent donc se montrer volontaristes pour les mettre en œuvre".

Les incidents concernant les délais de paiement des entreprises ont été multipliés par trois durant la crise sanitaire, a rapporté jeudi 16 avril, le "comité de crise" réuni par Bercy et la Banque de France. Selon le comité, certaines sociétés, notamment celles ayant une influence forte sur la situation économique française, préfèrent conserver de la trésorerie en ne réglant pas leurs fournisseurs. Un très mauvais point pour les entreprises privées ! Pierre Pelouzet, Médiateur des entreprises et co-animateur du comité de crise, a indiqué devant la Délégation aux entreprises du Sénat, le 20 avril que les saisines du Médiateur des entreprises et de ses 60 relais sur le territoire sont 10 fois plus nombreuses depuis le début de la crise ! Mais, qu'en est-il du coté des acheteurs publics ?


Que pensez-vous du dispositif "urgence commande publique" ?

L'objectif premier consiste bien à concilier les intérêts des acheteurs et des entreprises titulaires, ou futures titulaires, des marchés publics.

Pierre Pelouzet -  Je tiens à saluer la rapidité avec laquelle ce dispositif a été mis en place. En effet, il a fait l’objet d’une ordonnance spécifique dès le 25 mars 2020 permettant ainsi de faire face aux difficultés de gestion de la commande publique dans cette période d’état d’urgence sanitaire. Son objectif premier consiste à concilier les intérêts des acheteurs et des entreprises titulaires, ou futures titulaires, des marchés publics. Cela permet non seulement d’assurer la continuité de l’achat public pour répondre aux besoins urgents tels que les achats de masques ou de gel hydro alcooliques, mais aussi de faire fonctionner l’économie et les entreprises qui peuvent reprendre ou poursuivre leur activité.
Les aménagements apportés aux délais de procédure et aux conditions d’exécution des marchés publics sont évidemment bienvenus dans ce contexte.
 

Le dispositif paiement, avances et autres…  est-il suffisant ?

Pierre Pelouzet - L’ordonnance donne la possibilité de mettre en place des mesures "généreuses" en matière d’avances. Ainsi, le taux peut être porté à un montant supérieur à 60 % du montant du marché ou du bon de commande. Par ailleurs, les acheteurs ne sont pas tenus d’exiger la constitution d’une garantie à première demande pour les avances supérieures à 30 % du montant du marché.
Il s’agit là des dérogations importantes au régime de droit commun. Mais elles restent à l’appréciation des acheteurs qui doivent donc se montrer volontaristes pour les mettre en œuvre.
 

Avez-vous déjà  des remontées ? Quelles sont les réticences des acheteurs publics pour «  aider » les entreprises ?

Pierre Pelouzet - Encore une fois, il faut que les acheteurs, qui le peuvent, se montrent volontaristes pour mettre en œuvre ces mesures et en tirer tout le bénéfice à la fois dans cette période de confinement. Mais aussi pour accompagner la reprise. Tous les secteurs de l’achat public sont concernés : des fournitures récurrentes pour le fonctionnement des services publics, des prestations qui peuvent aussi être réalisées à distance ou encore des travaux urgents…
 

Etes-vous déjà saisi de demandes de médiation ?

Les saisines qui portent sur les mesures d’urgence en matière de commande publique sont encore peu nombreuses

Pierre Pelouzet - Le nombre de sollicitations et de médiations adressées au Médiateur des entreprises chaque semaine a été multiplié par 10. Beaucoup portent sur l’exécution de contrats publics, notamment le recouvrement de créances anciennes, mais qui deviennent critiques dans cette période où les besoins en trésorerie sont particulièrement importants. Les saisines qui portent sur les mesures d’urgence en matière de commande publique sont encore peu nombreuses. Mais nous y sommes particulièrement attentifs...
 

Y aura-t-il de ces dispositifs d’aide aux entreprises et fournisseurs qui pourraient (et selon vous devraient) survivre à l’urgence ?

La commande publique sera un levier majeur d’intervention pour accompagner la reprise d’activité

Pierre Pelouzet - Il est évidemment trop tôt pour tirer des conclusions sur la pérennité des dispositifs conçus pour cette période de crise inédite. A ce stade, elles sont applicables jusqu'au 24 juillet 2020, soit la fin du l’état d’urgence sanitaire + deux mois, sachant que l’état d’urgence sanitaire pourrait être prorogé.
Mais il est évident que la commande publique sera un levier majeur d’intervention pour accompagner la reprise d’activité sur l’ensemble du territoire à la fin du confinement.