Le Conseil d’Etat précise l’article 10 et les clauses de révision de prix

  • 17/12/2009
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Dans une très récente décision, la haute juridiction estime qu’une économie budgétaire substantielle suffit à justifier le recours au marché global. Quant aux contrats dans lesquels sont utilisés des fournitures susceptibles d’être affectées par le prix des cours mondiaux de matières premières, la clause de révision de prix doit être calculée sans terme fixe.

Une formule de révision de prix est susceptible de léser un candidat. La société Toffolutti, candidate à un marché de réhabilitation et de réparations des routes passé par le département de l’Eure, était arrivée ex æquo avec un autre candidat sur le critère technique. Le critère prix a servi à départager les offres. Sur ce point, l’entreprise a pu démontrer en quoi le mode de calcul choisi par le pouvoir adjudicateur pour réviser les prix avait pu la désavantager.  L’article 18-IV du code des marchés publics prévoit qu’un prix peut être révisable pour tenir compte des variations économiques. Il propose pour cela trois modalités de calcul : une première en fonction d'une référence à partir de laquelle le prix de la prestation est ajusté ; une seconde par application d'une formule représentative de l'évolution du coût de la prestation (prise en compte uniquement des éléments du coût de la prestation et inclusion d’un terme fixe possible) ; une troisième qui combine les modalités précédentes. Mais dans son article 18-V, le CMP prévoit aussi que les « marchés d'une durée d'exécution supérieure à trois mois qui nécessitent, pour leur réalisation, le recours à une part importante de fournitures notamment de matières premières dont le prix est directement affecté par les fluctuations de cours mondiaux, comportent une clause de révision de prix incluant une référence aux indices officiels de fixation de ces cours », conformément au premier mode de calcul défini dans l’article 18-IV.

Le marché de la collectivité normande entrait dans cette catégorie, le prix du bitume et des enrobés dépendant directement de celui du pétrole. Or le département a utilisé un terme fixe de 0,15 pour prendre en compte l’évolution du cours de pétrole. Il ne le pouvait pas. Selon le Conseil d’Etat, le contrat doit, dans ce cas, comporter une clause de révision de prix établie à partir de la première formule l’article 18-IV, c’est-à-dire à partir d’une référence aux indices officiels de fixation de ces cours. Or ces dispositions « ne permettent pas l’inclusion d’un terme fixe », contrairement au second mode de calcul.  « Compte tenu de l’incidence des clauses du contrat relatives aux prix et à leur révision sur la formation des offres des candidats, notamment en fonction des capacités financières respectives de ces derniers, ce manquement aux dispositions de l’article 18 du code des marchés publics constitue un manquement aux obligations de mise en concurrence qui est susceptible d’avoir lésé la société », ont en conséquence jugé les magistrats du Palais-Royal. La procédure du département a été annulée.

Economie à démontrer

En revanche, la haute juridiction a désavoué le juge des référés du TA de Rouen dans son interprétation de l’article 10 du CMP. Celui-ci avait estimé qu’une économie budgétaire substantielle n’avait pas la même signification que l’hypothèse prévue par les dispositions réglementaires. Celles-ci autorisent le recours au marché global notamment lorsque la dévolution en lots séparés risque de rendre « financièrement coûteuse l’exécution des prestations ». Le département de l’Eure, qui avait alloti lors de ses précédents marchés relatifs aux mêmes prestations, avait cette fois choisi le marché global dans le but de réaliser « une économie budgétaire substantielle ». Le juge du TA avait trouvé l’argument un peu léger. Lors de l’audience au Conseil d’Etat le 20 novembre, le rapporteur public Nicolas Boulouis avait considéré que le magistrat était allé un peu loin. Le choix de la méthode dévolution ne repose que sur la « seule évaluation » effectuée en amont de la procédure par le pouvoir adjudicateur, avait-il rappelé.

Dans leur décision du 9 décembre, les juges du Palais-Royal ont suivi à leur manière : « la réduction significative du coût des prestations pour le pouvoir adjudicateur, qui a pour corollaire une économie budgétaire pour celui-ci, constitue toutefois, lorsqu’elle est démontrée au moment du choix entre des lots séparés ou un marché global, un motif légal de dévolution en marché global par application de l’article 10 du code des marchés publics ». Tout est affaire de justification et d’économie substantielle démontrable au moment du choix entre allotissement et marché global. Dans une décision du 11 août (3), le Conseil d’Etat avait, rappelons-le, sanctionné la communauté urbaine Nantes Métropole car elle n’avait pas pu justifier l’économie qu’elle comptait réaliser avec un marché global et que son « économie significative » représentait moins de 2% du budget alloué au lot litigieux.


(1) CE 9 décembre 2009, Département de l’Eure, n°328803   CE 9 décembre 2009 Eure (640.28 kB) 

(2) Un prix révisable est-il susceptible de léser une entreprise ?

(3) Article 10 : le juge contrôle dans les moindres détails