Les quatre remèdes du bon Docteur OCDE

  • 10/05/2019
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Il est des lectures qui intéressent… autant qu’elles agacent.
Tout au long de son Etude (avril 2019) (lire "L'OCDE distribue les bons et les mauvais points à la commande publique française") l’OCDE mise particulièrement sur les collectivités locales pour améliorer l’efficacité de l’investissement public français. Mais pour cela, il serait souhaitable de «poursuivre les efforts visant à rationaliser le fonctionnement des collectivités locales». Autrement dit, il faudrait que la France réduise quelque peu sa consommation de millefeuille administratif, que l’OCDE semble, elle, ne pas particulièrement apprécier… Mais les recommandations du bon docteur OCDE ne s’arrêtent pas là : la France doit aussi continuer à lutter contre la corruption, ajouter un peu de professionnalisme, et savoir s’évaluer… en toute transparence. 
Remède de cheval ou compilation de vieilles recettes ramassées de-ci, de-là ?
 

L’investissement plutôt que la dépense

L’idée, ce serait de contenir les dépenses des collectivités locales, qui représenteraient environ 20 % des dépenses publiques. Selon l’OCDE, l’économie française pâtît de l’étalement urbain, qui alourdit les coûts. « Les collectivités locales sont le premier investisseur public,» relève pourtant l’OCDE  (lire aussi notre article Chiffres de la commande publique 2019 : réelle reprise ou manifestation du « cycle électoral » ?).
La difficulté est donc, pour l’OCDE, de poursuivre la « rationalisation administrative » sans nuire à la capacité d’investissement des communes : la solution ? l’interco : « À court terme, un renforcement du rôle des établissements publics de coopération intercommunale dans la mise en place des infrastructures contribuerait à dégager des gains d’efficience sur les dépenses locales d’investissement. Il serait judicieux de faire en sorte que ces établissements deviennent la structure de référence pour toutes les grandes opérations d’infrastructure publique». L’OCDE suggère par ailleurs que les régions aident à coordonner les solutions d'achat des échelons administratifs inférieurs, y compris les communes.

La corruption, c’est pas bien

C’est encore au niveau local que la France doit porter ses efforts en matière de corruption : « la corruption peut fausser la concurrence, nuire au climat des affaires et détourner l’usage des ressources publiques de l’intérêt général, ainsi que susciter la méfiance envers les institutions publiques » explique l’OCDE. Et selon elle, des progrès restent possibles pour améliorer la connaissance des dispositifs anticorruption au sein des petites collectivités. L’OCDE finit par asséner: « il faut professionnaliser davantage la passation des marchés publics au niveau local".
Relevons ce petit tacle contre les entreprises publiques locales : il serait bon, selon l’OCDE, d'en améliorer la gouvernance en clarifiant leur champ d’activités et en renforçant leurs mécanismes de contrôle. Car « leur structure d'actionnaires est souvent fragmentée entre différents niveaux de collectivités locales et leur champ d'activité est souvent vaste, ce qui peut entraîner des conflits d'intérêts et nuire à la concurrence ».
 

L’évaluation, c’est nécessaire

La planification des opérations d’investissement varie considérablement d’une collectivité locale à l’autre. La France serait ainsi l’un des pays de l’UE où les communes ont tendance à peu recourir aux évaluations ex ante * des projets. Et l’OCDE prescrit la soumission des investissements des collectivités et des entreprises publiques locales aux mêmes obligations que celles appliquées à l’État et ses opérateurs (contre-expertise de l’évaluation ex ante pour les investissements dont le financement public est supérieur à 100 millions d’euros).
 

La transparence, c’est utile

L’OCDE poursuit son diagnostic : les considérations d’efficience économique n’ont souvent qu’une influence limitée sur le choix effectif des projets. « Il peut arriver que la sélection des projets réponde à des pressions exercées par les parties intéressées, cependant que la gouvernance des infrastructures obéit souvent à des considérations d’ordre politique ». Aussi, pour l’OCDE, Si l’investissement public relève, in fine, d’un choix politique, exiger des autorités qu’elles justifient leurs décisions lorsque celles-ci ne coïncident pas avec les résultats de la contre-expertise contribuerait à améliorer la transparence.
 

Achat public local : une dose de professionnalisation ?

In cauda venenum : « La fragmentation administrative territoriale est un obstacle à des modes de gestion plus professionnels des marchés publics. Certes, l’OCDE apprécie la dématérialisation en cours (gage de modernisation et de transparence) du droit de la commande publique. Mais elle suggère aussi de renforcer la centralisation des activités d'achat de biens et services standard achetés par le secteur public : « cela permettrait de réaliser des économies d'échelle et d'améliorer l'intégrité ». Car la professionnalisation des services de marchés publics est essentielle : elle favorise l'intégrité des achats publics, explique l’OCDE

Au final, lorsque l’on sort de la consultation du Docteur OCDE, on ne sait plus très bien si on est en phase de rémission, si on vient de se découvrir les alarmants symptômes d’une maladie dont on imaginait pas l’existence, si la cure ne fait que commencer… ou si l'on a consulté le bon spécialiste.

Jean-Marc Joannès

* évaluation ex ante : Evaluation effectuée avant la mise en œuvre d’une intervention publique. Elle porte sur l’analyse du contexte à l’origine de l’intervention publique, sur le contenu de cette intervention, sur les conditions de mise en œuvre et sur les réalisations, résultats et effets attendus.