Exploitation de réseau : pouvoir adjudicateur 1 – entité adjudicatrice 0

  • 28/11/2011
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Le conseil d’Etat a annulé le marché conclu par la communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences pour l’exécution du service de transports des personnes à mobilité réduite. Pour la haute juridiction, lorsqu'une personne publique confie à un tiers l’exploitation d’un réseau, elle agit comme un pouvoir adjudicateur qui se doit d’appliquer les règles de la première partie du CMP.

Les dispositions de l’article 135 du code des marchés publics ne s’appliquent pas aux actes par lesquels une personne publique confie à un tiers l’exploitation de l’un des réseaux fixes qu’il mentionne et agit ainsi en qualité de pouvoir adjudicateur. Dans un arrêt rendu le 23 novembre 2011, le Conseil d’Etat a ainsi confirmé sa jurisprudence s’agissant de la qualité de la personne publique. Suivant son rapporteur public, Bertrand Da Costa (1), le haute juridiction a considéré que le juge des référés strasbourgeois a commis une erreur de droit en jugeant que la communauté d’agglomération de Sarreguemines Confluences doit être regardée comme une entité adjudicatrice. Dans son ordonnance, le juge des référés a estimé que l’acte par lequel la personne publique se proposait « de confier à un tiers l’exécution du service de transports des personnes à mobilité réduite était constitutif d’une activité d’exploitation de réseau au sens de l’article 135 du code des marchés publics, dès lors que la communauté s’était vu conférer la compétence en la matière et assurait directement l’organisation de l’exploitation du réseau des transports urbains en assumant le risque économique et en contrôlant son exécution ». La communauté d’agglomération aurait du, pour passer son marché, appliquer les dispositions issues de la première partie du code des marchés publics applicables aux pouvoirs adjudicateurs. En outre, compte tenu du montant, (ndlr : 228.000 euros), la procédure formalisée aurait du être mise en oeuvre.

Annulation du marché avec effet différé

La qualité de la personne publique et le choix de la procédure ont joué un rôle important en référé. En effet, s’estimant entité adjudicatrice, la communauté d’agglomération a lancé son marché via la procédure adaptée, dont le seuil communautaire est fixé à 387.000 euros. Faute de pouvoir déposer un référé précontractuel, puisque le délai de stand still ne s’applique pas aux procédures adaptées, la société requérante a saisi le juge du référé contractuel. Le TA de Strasbourg validant les choix opérés par la personne publique, a rejeté la requête de la société (2). Les sages du Palais Royal ont renversé la vapeur en faveur de la candidate évincée. L’absence de référé précontractuel et le non respect du délai de 11 jours avant la signature du contrat ont conduit le Conseil d’Etat à admettre, sur le fondement des dispositions des articles 551-13 et L.551-18 du code de justice administrative, la recevabilité de l’action en référé contractuel. Comme il a déjà été dit, le montant du marché dépasse le seuil communautaire de 193.000 euros. Ce seuil implique que l’AAPC soit publié au BOAMP et au JOUE (article 40 du CMP). En l’espèce, la communauté d’agglomération a choisi comme support le quotidien le Républicain lorrain et son site internet. Aucune trace d’une publication au JOUE. Ce manquement conduit naturellement la haute juridiction vers l’annulation du marché conclu sans qu’aucune raison impérieuse d‘intérêt général ne vienne s’y opposer. « Pour éviter que le service cesse abruptement de fonctionner, l’annulation doit être prononcée avec un effet différé. Un délai de deux mois nous semble suffisant pour mener une nouvelle procédure », avait proposé Bertrand Da Costa. Si la proposition d’un effet différé a été suivie, le Conseil d’Etat a laissé à la personne publique 4 mois pour se retourner.

CE, 23 novembre 2011, GIHP Lorraine Transports, 349746

(1) Exploitation de réseau : entité adjudicatrice ou pouvoir adjudicateur ?

(2)TA Strasbourg, 13 mai 2011, GIHP Lorraine Transports, 1101626