Le délai de consultation ne doit pas être manifestement inadapté

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L'acheteur doit-il simplement respecter le nombre de jours minima devant être laissé aux candidats pour déposer leurs offres ? Le Conseil d’Etat a répondu à cette problématique dans le cadre d’un contentieux impliquant l’établissement du Nord Grande-Terre. Il ressort de l'arrêt que la durée réglementaire ne doit pas être le seul facteur devant être pris en considération. Le timing doit être adaptée à la passation. En parallèle, les sages ont sanctionné l’attribution de plusieurs lots à une entreprise ayant contourné la règle limitant l’attribution du nombre de marché à un candidat.

Le verdict du Conseil d’Etat est tombé à propos de l’appel d’offre litigieux de la communauté d’agglomération du Nord Grande-Terre relative à une prestation de transport scolaire. Pour mémoire, les deux requérantes (Transports du Centre / Compagnie Guadeloupéenne de Transports Scolaires) avaient notamment reproché vis-à-vis de l’acheteur l’insuffisance des délais de remise des plis, même si la durée fixée (34 jours) allait au-delà des exigences réglementaires (30 jours) issues du décret du 25 mars 2016. Le juge du référé précontractuel avait statué dans leur sens.

Le candidat évincé doit démontrer l’inadaptation du délai de remise des offres


Lors de l’audience devant la Haute juridiction, le rapporteur public avait conceptualisé juridiquement le raisonnement du magistrat et estimé, par la suite, que celui-ci avait dépassé son office. Le tribunal administratif (TA) de Guadeloupe a recherché (implicitement) si le timing permettait aux candidats de proposer une offre compétitive (c’est-à-dire s’ils pouvaient obtenir la note maximale). La position du maître des requêtes, sur ce point, avait été commentée dans nos colonnes (lien en bas de page). Les sages du Palais Royal ont suivi le rapporteur public. L’ordonnance attaquée a été cassée. Il incombait au juge du référé, dans ce cas de figure,

vérifier si le délai de consultation… n’était néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d’une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres

« seulement de vérifier si le délai de consultation… n’était néanmoins pas manifestement inadapté à la présentation d’une offre compte tenu de la complexité du marché public et du temps nécessaire aux opérateurs économiques pour préparer leurs candidatures et leurs offres », ont déclaré les conseillers d’Etat en partant de la disposition 43 du décret précité. L’opération lancée par la communauté d’agglomération a été alloti en treize marchés. L’intercommunalité avait considéré comme inappropriées les propositions de la demanderesse Transports du Centre s’agissant des lots 1 et 5. Selon le pouvoir adjudicateur, il ressortait du bon de commande que l’autocar - acheté par la requérante pour être affecté à l’exécution de la prestation - ne serait pas livré à la date de commencement du contrat. La société évincée avait mis en avant, justement, que le laps de temps envisagé pour déposer les dossiers en était la cause. Le Conseil d’Etat n’a pourtant pas été de cet avis. En se fondant sur le principe énoncé ci-dessus, l’entreprise n’aurait pas établi que le délai était manifestement inadapté. En revanche, l’acheteur aurait commis une erreur. « Alors même que ce bon comportait la mention "sous réserve", il ne résulte pas de l’instruction que la société candidate n’était pas en mesure de répondre aux exigences formulées », a admis la haute juridiction.

Deux entreprises doivent être regardées comme un seul et même candidat si les équipements de l’une proviennent de l’autre


Quant aux offres de la Compagnie guadeloupéenne de transports scolaires pour les lots 7 et 9, elles avaient subi le même sort que sa consœur. Toutefois, le motif de leurs rejets par la communauté d’agglomération fut différent. Le Conseil d’Etat l’a résumé ainsi : « les commandes de véhicules… ne pouvaient pas être regardées comme ferme dès lors qu’elles étaient subordonnées à l’obtention d’un agrément fiscal et d’un accord sur le financement ». Mais les sages n’ont pas accepté cette explication car, tout simplement, le règlement de la consultation ne prévoyait pas que les commandes devaient être subordonnées à de telles conditions suspensives. Autre point conflictuel soulevé en première instance : les candidatures des attributaires n’étaient pas recevables. Conformément à l’article 12 III du décret du 25 mars 2016, l’intercommunalité avait donné les consignes suivantes : les candidats ne pouvaient se positionner uniquement sur cinq lots et ils étaient susceptibles d’en obtenir au maximum trois. D’après les sociétés requérantes, les règles n’ont pas été respectées par l’acheteur. Les lots 1, 4 et 5 ont été confiés à la Sarl transports les 6F tandis que les numéros 2, 6 et 8 sont revenus à l’Eurl Transka. Or cette dernière, au-delà d’avoir été créée en 2017 par le fils de la gérante de la Sarl transports, n’avait pas de moyen propre. La mère s’était engagée à mettre à disposition de cette jeune entité les équipements nécessaires à la réalisation des missions demandées. « Dans ces circonstances, la Sarl transports les 6F et l’Eurl Transka doivent être regardées comme un seul et même candidat », avait déduit le TA. Le pouvoir adjudicateur a manqué à ses obligations de publicité et de mises en concurrence. Le Conseil d'Etat l'a aussi reconnu. Les procédures 2, 6 et 8 sont passées à la trappe. Concernant les passations 1, 5, 7 et 9, la haute juridiction a laissé à l’acheteur la faculté de les reprendre au stade de l’examen des offres. A défaut, elles seront annulées.