Responsabilité de l’entrepreneur et désordres rendant l’ouvrage impropre à sa destination

  • 12/07/2011
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Dans un arrêt rendu, fin juin 2011, la cour administrative d’appel de Lyon rappelle que « lorsque des désordres affectant des éléments d’équipement sont, par leur importance, de nature à rendre l’ouvrage impropre à sa destination, ils sont susceptibles d’engager la responsabilité de l’entrepreneur au titre de la garantie décennale alors même que ces éléments seraient dissociables de l’ouvrage et relèveraient par ailleurs de la garantie de bon fonctionnement ; qu’il en va de même lorsque les désordres, même s’ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l’expiration du délai de dix ans, sont de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible ; que les constructeurs sont responsables de plein droit de la totalité des désordres affectant l’ouvrage à la construction duquel ils ont participé, dès lors qu’ils leur sont imputables, fût-ce partiellement ». En l’espèce, la commune d’Eybens avait passé fin 1997, un marché de maître d’œuvre en vue de la réfection de la piscine municipale avec un groupement solidaire, constitué des entreprises Betrec, bureau d’études techniques structure/économie et CET, bureau d’études techniques fluides et électricité. En février 1998, elle a conclu un marché de travaux avec la société Cegelec, chargée du lot traitement d’eau et équipements techniques du grand bassin. La réception des travaux a été prononcée le 27 novembre 1998. En 2002, la commune s’est plainte de désordres affectant le système de filtration du grand bassin et a obtenu en référé une expertise dont le rapport, déposé le 26 février 2004, a mis notamment en évidence une érosion prématurée des quatre pompes. La commune a saisi le tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à mettre en cause la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, au motif qu’il n’était pas allégué que l’usure anormale des pompes du système de filtration aurait rendu impossible le fonctionnement normal de l’installation et aurait ainsi rendu l’ouvrage impropre à sa destination. En appel, la CAA annule le jugement et considère « qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que l’usure anormale présentée par les pompes était susceptible de provoquer leur rupture, voire leur éclatement ; que si cette dégradation n’avait pas, jusque là, rendu impossible le fonctionnement de l’installation, ce désordre était de nature dans un délai prévisible à la rendre impropre à sa destination ; qu’il résulte également de l’instruction que cette dégradation, provoquée par le fonctionnement en cavitation des pompes, ne pouvait pas être décelée dans toute son ampleur par le maître d’ouvrage au moment de la réception des travaux ; que par suite ces désordres sont de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement de la garantie décennale, sans que la société BETREC puisse utilement invoquer l’absence de faute de sa part dans la mesure où, en sa qualité de membre du groupement solidaire titulaire du marché de maîtrise d’oeuvre, sa responsabilité est engagée à l’égard du maître d’ouvrage à raison d’un désordre dès lors que celui-ci est imputable à un membre du groupement ». Elle condamne donc la société Betrec, la société CET et la société Cegelec à verser à la commune d’Eybens la somme de 138 172,62 euros TTC, avec intérêt au taux légal à compter du 29 avril 2004.

CAA Lyon, 21 juin 2011, n°09LY02904