Le juge pose les limites à la régularisation de l’offre

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L’une des toutes premières décisions relatives à la régularisation des offres en procédure négociée vient de tomber. Le TA de Toulon a jugé qu’une offre irrégulière ne peut être rattrapée si la régularisation conduit à une modification substantielle de l’offre initiale. Pour apprécier le caractère substantiel, le juge admet la prise en compte du lot en question, et non l’économie globale du contrat.

La décision du TA de Toulon est certainement l’une des premières, si ce n’est la toute première, à être rendue à propos de l’article 59 du décret marchés publics sur la régularisation d’une offre irrégulière en dialogue compétitif. Dans un arrêt, rendu le 24 août dernier, le juge du référé a admis le rejet d’une offre régularisée, en phase de négociation, au motif que la correction opérée a conduit à la modification substantielle des caractéristiques de l’offre initiale. Dans les faits, le territoire des communes de Fréjus et de Roquebrune-sur-Argens a lancé un  marché global de performance pour  la « conception, réalisation, exploitation, maintenance et amélioration des installations électriques extérieures. »

Trop forte variation du montant du poste suite à la régularisation

Bouygues Energies et Services, qui faisait partie des concurrents, n’a pas répondu au poste  « fourniture des illuminations festives », pourtant demandée dans le cahier des charges. Repêchée par le groupement, la société a fourni une nouvelle offre, qui a toutefois été rejetée après son analyse, en raison d’une trop forte variation du montant du poste suite à la rectification réalisée (520 000 euros à plus de 2,2 millions €). Le pouvoir adjudicateur a estimé que la modification était trop substantielle pour être acceptée. Mécontent,  Bouygues Energies et Services a attaqué la décision du groupement, estimant que la régularisation du poste en question avait peu d’effets sur le montant global du contrat (une augmentation de + 9%). Mais le juge ne l’a pas suivi.

Raisonnement poste par poste

lougraida_legende.jpg« Cette décision est très intéressante à plusieurs égards, indique Myriam Lougraida-Dumas, l’avocate de Roquebrune-sur-Argens. Elle confirme d’abord que le paragraphe 4 de l’article 59 du décret, relatif au fait qu’une régularisation ne peut aboutir à modifier substantiellement l’offre initiale, s’applique bien aux procédures négociées et au dialogue compétitif. La précision est notable car la DAJ laisse entendre le contraire dans une  de ses fiches pratiques et admet que tout peut être régularisé. Le juge s’est ensuite prononcé sur la notion de changement substantiel, poursuit-elle.

Une erreur même grossière, due certainement un oubli, ne peut être rattrapée si elle porte sur une masse financière trop importante

Il a donné raison aux deux villes qui ont pris en compte l’élément faisant l’objet de la régularisation, et non le contrat global, pour apprécier l’ampleur de la modification réalisée, développe l’avocate. Les deux communes ont en effet évalué les éléments tangibles de la modification pour analyser la recevabilité de l’offre régularisée. »  « La collectivité est garante de l’égalité de traitement des candidats, rappelle son confrère Laurent Fröhlich, qui a défendu la ville de Fréjus. On ne peut pas tout régulariser. Dans le cas d’espèce, le delta était trop important et aurait conduit à une rupture d’égalité entre les candidats. Une erreur même grossière, due certainement un oubli, ne peut être rattrapée si elle porte sur une masse financière trop importante. Les autres concurrents avaient répondu correctement au cahier des charges. De surcroît, la régularisation reste une faculté, elle n’est pas obligatoire », complète-t-il.

Pas de comportement contradictoire

laurentfrolichlegende180_180.jpgLa partie adverse, représentée par Maître Christophe Cabanes, a contesté le caractère substantiel de la régularisation de l’offre, se plaçant sur la valeur globale du contrat (et non du poste en question) qui, elle, a peu évolué, pour argumenter. Le requérant a également jugé contradictoire la décision du groupement, qui a d’abord décidé de repêcher l’offre de Bouygues, avant de se raviser.  Peine perdue. Considérant que la fourniture des illuminations constitue l’essentiel du prix du poste litigieux, lequel fait partie de la tranche ferme du coût global, composé de 8 postes, le TA de Toulon  a jugé que la régularisation opérée doit être regardée comme modifiant les caractéristiques substantielles de l’offre initiale, et ce, même si l’écart du coût global entre les offres initiales et définitives déposées est modeste.