
Le cocktail de l’affaire SIAAP : clause Molière, notation inintelligible, SEMOP inexistante
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Condition d'exécution : clause Molière
Le Conseil d’Etat a publié sa décision le 8 février 2019 concernant l’affaire SIAAP. Le syndicat d’assainissement parisien avait vu son marché relatif à la sélection de l’actionnaire de sa future société d’économie mixte à opération unique pour l’exploitation de l’usine d’épuration de Seine-Amont, suspendu à la suite d’un déféré préfectoral. La société Véolia Eau, titulaire du contrat évalué à 400 millions d’euros, s’est pourvue en cassation.

Articulation entre le recours Tarn-et-Garonne, la suspension sur déféré et l’intervention d’un tiers à l’appui du déféré
D’après le SIAAP et le titulaire du marché, l’intervention de la société Suez serait irrecevable puisqu’elle ne pouvait intervenir à l’appui de la requête du préfet. Le tribunal administratif (TA) parisien avait statué dans leur sens, contrairement à la cour administrative d’appel (CAA) de Paris. Le Conseil d’Etat a repris le raisonnement de cette dernière et, de facto, précisé le régime du recours Tarn-et-Garonne.
Dans ce cadre, si les autres tiers au contrat « peuvent éventuellement assortir leur recours d’une demande tendant, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, à la suspension de l’exécution du contrat, le représentant de l’Etat dans le département peut assortir son recours d’une demande de suspension sur le fondement des dispositions […] du quatrième alinéa de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, auquel renvoie l’article L.554-1 du code de justice administrative (c’est-à-dire aux règles de la suspension sur déféré) ». La CAA avait même ajouté sur ce point : « l’existence de voies de recours ouvertes à la société Suez Services France pour faire valoir que ses intérêts seraient lésés de façon directe et certaine par les manquements éventuels aux règles applicables à la passation du contrat, n’était pas de nature à faire obstacle à la recevabilité de son intervention en première instance, à l’appui de la demande en suspension du marché litigieux dont le préfet avait assorti son déféré préfectoral, tendant à l’annulation de ce marché ; que la société Suez Services France qui a, en sa qualité de concurrent évincé, intérêt à l’annulation du marché, a, intérêt à la suspension de l’exécution de ce contrat ».Le représentant de l’Etat dans le département peut assortir son recours d’une demande de suspension sur le fondement des dispositions […] du quatrième alinéa de l’article L. 3132-1 du CGCT
La clause Molière écartée
S’agissant du contrat, les juridictions du fond l’ont suspendu mais chacune pour des raisons différentes. Selon la CAA, l’article 8.5 du règlement de la consultation, dénommé : "Langue et rédaction de propositions et d’exécution des prestations" serait une clause Molière. La disposition stipulait ainsi que « la langue de travail pour les opérations préalables à l’attribution du marché et pour son exécution est le français exclusivement ». Le rapporteur public avait critiqué, à la lecture de ses conclusions, cette assimilation car d’une part ce document régissait uniquement les relations entre l’acheteur et les candidats. D’autre part, il ressortait de la rédaction de cette clause que l’usage du français ne devait pas être imposé aux personnels de l’usine (article en bas de page). Les sages du Palais Royal ont partagé la position du maître des requêtes. L’arrêt a donc été annulé.
Publication des statuts de la SEMOP après sélection de l’actionnaire
Le Conseil d’Etat, en réglant le litige au titre de la procédure de référé, est revenu sur la première cause ayant entrainé la suspension du contrat, à savoir l’absence d’existence juridique de la SEMOP à la signature dudit marché. En effet, lorsque le président du SIAAP et la société Véolia Eau ont acté leur partenariat le 7 septembre 2017, ni le pacte d’actionnaires de la SEMOP, ni les statuts n’avaient été arrêtés et publiés.
Le TA avait laissé aux parties un délai d’un mois, à compter de la décision, pour régulariser cette situation. Pour le préfet, la juridiction avait admis à tort le caractère régularisable du vice retenu. Or, au regard du CGCT, les sages ont déduit que ces dispositions « n’imposent pas à la personne publique qui entreprend de constituer une [SEMOP] de fixer par avance de manière intangible dès le stade de la mise en concurrence tous les éléments des statuts de la SEMOP et du pacte d’actionnaires ». Ces modalités sont réalisées à l’issue de la mise en concurrence et de la sélection du candidat comme le précise le V de l’article L.1541-2 du CGCT.Les éléments des statuts de la SEMOP et du pacte d’actionnaires [...] sont réalisées à l’issue de la mise en concurrence et de la sélection du candidat comme le précise le V de l’article L.1541-2 du CGCT
Une méthode de notation contestable
De son côté, la société Suez avait souligné l’absence de clarté de la méthode de notation. Lorsque le rapporteur public a tenté de l’expliquer à l’audience, l’exercice s’est avéré périlleux. Lors de l’analyse, le SIAAP « a attribué aux différentes caractéristiques de ces offres des signes traduisant leurs mérites respectifs. Ainsi des " points forts significatifs (++) ", des " points forts (+) ", des " points neutres (=) ", des " points faibles (-) " et des " points faibles significatifs (--) " ont été attribués aux offres des deux candidats ». Ensuite, poursuit l’arrêt du Conseil d’Etat, « chaque offre a été classée par le SIAAP dans une des cinq catégories figurant dans une grille d'appréciation des critères selon laquelle les offres présentant des " points forts significatifs et sans point faible significatif " devaient être classées dans la catégorie " très satisfaisant ", celles présentant de " nombreux avantages et une majorité de points forts " dans la catégorie " satisfaisant ", [et ainsi de suite]. A chacune de ces cinq catégories correspondait une fourchette de points exprimés en pourcentage de la note du critère ou sous-critère et chaque offre était située dans le haut, le milieu ou le bas de cette fourchette. Dans un quatrième et dernier temps, une note a été attribuée à chaque offre pour le critère ou le sous-critère concerné en fonction de sa position dans cette fourchette de points ». Pour autant, même « si quelques incohérences ont pu affecter la méthode de notation […], ces incohérences ont été marginales et, prises dans leur ensemble, n'ont pas privé de leur portée les critères de sélection ou neutralisé leur pondération et n'ont pas conduit, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre », ont déclaré les conseillers d’état. L'argumentation de l'entreprise évincée n'a pas convaincu. En conclusion, la requête du préfet a été rejetée.
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