
Le B.A - BA de l'achat : l'imprévision dans les marchés publics
Cet article fait partie du dossier :
Indemnité d'imprévision
Acheteurs issus du privé, nouveaux praticiens de l’achat, étudiants, ou acheteurs désireux de reprendre les fondamentaux de l’achat public... Le B.A BA de l’achat, c’est une série de fiches synthétiques conçues pour vous afin de faire le point sur des questions techniques de l’achat ou de (re)découvrir ensemble des notions courantes. Pour ce nouveau numéro, la rédaction se penche sur l’imprévision dans les marchés publics.

Issu d’une création prétorienne dans un contexte de Première Guerre mondiale (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux, n° 59928), puis codifiée au 3° de l’article L. 6 (5°) du code de la commande publique, l'imprévision désigne la situation dans laquelle « lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ».
Quel est l’intérêt de ce mécanisme ?
• Pour le fournisseur, ce dispositif agit comme un garde-fou en bénéficiant d’une indemnité, ayant pour objet de compenser une partie des charges supplémentaires supportées habituellement définis comme extracontractuels, car non expressément prévues lors de la conclusion du lors de la signature du contrat.
• Du côté de l’acheteur, la théorie de l’imprévision constitue une garantie en s’assurant en assurant de la poursuite de l’exécution du contrat et ainsi la continuité du service public.
Des conditions cumulatives
La théorie de l’imprévision est caractérisée dès lors que l’évènement bouleversant la relation contractuelle rempli trois critères cumulatifs.
Imprévisible - Il doit avoir été imprévisible au moment de la conclusion du contrat. Il peut par exemple s’agir d’une guerre, d’une augmentation du prix des matières premières sur le marché international, ou même encore de phénomènes naturels.
Extérieur - Autrement dit, le bouleversement du contrat ne doit pas être imputable à l’une des parties.
Temporaire - En effet, le code de la commande publique énonce un évènement « dont les circonstances doivent être temporaires ».
Toutefois, il faut noter que comme l'incident n'est pas lié à l'administration, la compensation ne peut en aucun cas couvrir la totalité des dégâts subis. Si ces problèmes persistent au-delà d'une période raisonnable et sans parvenir à une entente à l'amiable, l'administration a le droit de demander la résiliation du contrat.
Des notions voisines à ne pas confondre
La théorie de l’imprévision entraîne un dispositif qui s’apparente à plusieurs autres notions voisines avec lesquelles elle ne doit pas être confondue
La force majeure
La force majeure permet, pour le cocontractant, de se libérer de ses obligations contractuelles. Cette exonération peut être partielle ou totale, conformément à l'article L. 2195-2 du Code de la commande publique
A l’inverse, la théorie de l’imprévision permet de rectifier un imprévu en indemnisant le cocontractant afin pour permettre la poursuite du contrat.
A l’inverse, la théorie de l’imprévision permet de rectifier un imprévu en indemnisant le cocontractant afin pour permettre la poursuite du contrat.
Le fait du prince
En droit administratif, la théorie du fait du prince désigne l’hypothèse dans laquelle l’exécution du contrat administratif est impactée par une mesure prise par l’Administration bénéficiant de prérogatives de puissance publique. Ainsi, l'application de la théorie du fait du prince entraîne l'indemnisation intégrale du cocontractant par l'administration. Au contraire, la théorie de l’imprévision n’offre au cocontractant qu’une indemnisation partielle afin de compenser le préjudice.
Les sujétions techniques imprévues
Les sujétions techniques imprévues concernent les marchés publics de travaux et s’apparentent ont des difficultés matérielles rencontrées lors de l’exécution du marché. Mais, tout comme la théorie de l’imprévision, les sujétions techniques imprévues (ne doivent pas résulter du fait des parties), être exceptionnelle et imprévisible.
Le calcul de l’indemnisation
Comment calculer le montant de l’indemnisation versée au fournisseur en cas de d’ « imprévision » bouleversant l’équilibre économique du contrat ?
Il convient de rappeler que la théorie de l’imprévision implique un bouleversement tel que l’exécution du contrat est menacée. Il est nécessaire pour le titulaire du marché de démontrer un véritable déficit d’exploitation, un simple surcoût ou manque à gagner ne saurait motiver une indemnité sur ce fondement juridique (CE 25 novembre 1921, Compagnie générale des automobiles postales, 25 novembre 1921, Rec.p. 980).
Par une fiche technique publiée le 21 septembre 2022, la Direction des affaires juridiques (DAJ) précise que le bouleversement de son équilibre doit être apprécié « par période d’imprévision ». Ainsi « une indemnité d'imprévision peut être versée, même si l'équilibre du contrat n'est pas bouleversé sur toute sa durée. »
Concrètement, la « période de référence » pour le calcul de l’indemnisation correspond à la période pendant laquelle « l’opérateur économique est confronté à des pertes anormales du fait d’une augmentation de ses dépenses ou d’une diminution de ses recettes ayant dépassé les limites ayant pu raisonnablement être envisagées par les parties lors de la passation du contrat » ( Réponse ministérielle à la question n° 03246 JO Sénat 8 juin 2023 - relire aussi "Imprévision : Quelle est la période pour considérer le bouleversement de l’équilibre du contrat ?")
En revanche, pour le calcul de l’indemnité définitive en tant que tel, celui s’apprécie sur l’ensemble de la durée du contrat, en prenant en compte les difficultés ou les bénéfices réalisés pendant toute la durée de la relation contractuelle.
La théorie de l’imprévision n’ayant pas pour objectif de d’indemniser le cocontractant au centime près, que le montant de l’indemnisation ne pourra excéder « 50 % de la valeur du contrat initial pour les contrats passés par les pouvoirs adjudicateurs » (relire "Pas d’intangibilité pour l’imprévision : l'indemnité revue par le Conseil d’Etat ... et la DAJ ").
Les clauses d’imprévision
La pandémie de COVID-19 et le conflit en Ukraine ont eu des répercussions sur le droit de la commande publique, notamment en ce qui concerne la gestion des différends liés aux retards et à l'augmentation des coûts dans les marchés publics. C’est dans ces contextes particuliers que le Conseil d’Etat, dans son avis du 15 septembre 2022, prévoit la possibilité d’insérer, au moment de la conclusion du contrat, des clauses de variation de prix, permettant en réexamen spécifique en cas de variations des conditions économiques.
Mais attention, ces modifications ne doivent être impérativement justifiées « par des circonstances imprévisibles dont les conséquences financières excèdent ce qui pouvait être raisonnablement prévu lors de la signature du contrat ».
D’autre part, ces modifications doivent être nécessaires et proportionnelles aux circonstances imprévisibles (voir aussi " Gestion de la hausse des prix dans les contrats publics : où en est-on ? ").
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