Décret moins de 20 000 : l'annulation est demandée

  • 07/01/2010
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Acheteurs, attention à vos marchés de moins de 20.000 euros… Le rapporteur public, Nicolas Boulouis a demandé, lors de l’examen du recours introduit contre ce seuil, que le décret soit annulé en tant qu’il modifie l’article 28 du CMP. Si le Conseil d’Etat venait à suivre ses conclusions, le seuil des 20.000 euros risquerait bien de ne pas passer l’hiver.

Hier le recours dirigé contre le seuil des 20.000 euros introduit par le décret du 19 décembre 2008 a été examiné par le Conseil d’Etat en sous-sections réunies. Le rapporteur public, Nicolas Boulouis, a demandé l’annulation du décret en tant qu’il modifie l’article 28 du CMP. Souvenez-vous… Fin juin, la haute juridiction avait été saisie par un avocat marseillais, Franck Perez, d’une requête en annulation contre le décret du 19 décembre 2008 relatif au relèvement de certains seuils du code des marchés publics, en particulier la hausse du seuil de 4.000 à 20.000 euros. L’avocat considérait que cette hausse excessive était contraire aux grands principes de la commande publique et qu’elle entraînait une limitation de l’accès à la commande publique, notamment des jeunes avocats. « Le seuil des 4.000 € HT pouvait se justifier afin d’éviter d’établir des procédures trop coûteuses pour des montants d’achat publics faibles. Mais le rehaussement à 20.000 €, s’il permet d’éviter les procédures trop onéreuses pour les petits achats, offre toutes latitudes pour des achats de valeurs importantes conduisant le pouvoir adjudicateur à s’exempter du respect des principes de l’article 1er du CMP », avait confié au mois de juillet Franck Perez (1). Fin octobre, le Conseil d’Etat a soulevé un moyen d’ordre public visant à connaître les effets que les parties comptaient donner à l’arrêt si le décret venait à être annulé. Dans son mémoire, le MINEFE indique qu’il souhaite que ne soit pas donné un effet rétroactif à l’abrogation afin de maintenir l‘effet de relance. Il demande donc que la suppression du texte incriminé - si annulation il y a - prenne effet à la fin de l’année 2010.

Annulation, mais sans rétroactivité

Dans ses conclusions, le rapporteur public a rappelé que les principes de la commande publique qui sont des principes à valeur communautaire et constitutionnelle s’appliquent à tous les marchés qui rentrent dans le champ du code des marchés publics. « La combinaison du seuil et son application font montre d’une application erronée des situations dans lesquelles la concurrence doit s’exercer. Il y a beaucoup de marchés de petites communes qui sont dispensés de l’application des règles de publicité et de mise en concurrence, et pour lesquels il existe de nombreuses entreprises. Certes on peut douter qu’un marché inférieur à 20.000 euros ne présente pas un intérêt transfrontalier, mais au niveau national il n’y a guère de doute », estime Nicolas Boulouis. Dans son mémoire, le MINEFE arguait que si les marchés de moins de 20.000 euros étaient dispensés de publicité et de mise en concurrence, ils devaient toutefois respecter les obligations de l’article 1er du CMP. Pour le rapporteur public, une telle interprétation est une erreur, au mieux une contradiction. Le décret est en outre inspiré par la volonté de s’aligner sur les partenaires de l’union européenne. « C’est une erreur manifeste car les montants cachent des disparités importantes. Les éléments quantitatifs des autres Etats membres sont à manier avec circonspection. Ainsi, si l’Allemagne ne fait pas de publicité sous certains seuils, une trace du dépôt des offres est demandée. Les principes de la commande publique ne sont pas négligés par ces Etats », ajoute-t-il. De là, le rapporteur public conclut à l’annulation du décret du 19 décembre 2008 en tant qu’il modifie l’article 28 du CMP. S’agissant ensuite de la modulation des effets de cette éventuelle disparition, Nicolas Boulouis précise que l’annulation rétroactive du texte poserait d'énormes problèmes pour les marchés passés sans procédures. Par conséquent, « les effets de l’annulation doivent être différés. Le MINEFE demandait la fin de l’année 2010. Cela semble disproportionné », considère le rapport public. Il propose de retenir la date du 1er avril 2010. Que décideront les sages du Palais Royal ? Réponse dans quelques semaines…

(1) Seuil de 20.000 € : pendez le haut et court !

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