
La performance des achats hospitaliers en haut de l’affiche
Deuxième poste de dépenses des hôpitaux (17 milliards d’euros), les achats occupent de nouveau le devant de la scène. Après l’annonce d’un plan de performance par Roselyne Bachelot fin juin, le ministère a levé un (petit) morceau du voile sur ce qui allait se passer, à l’occasion du 2ème symposium des acheteurs de santé. Ce nouveau souffle ne suscite pas forcément l’enthousiasme chez tous les praticiens.

Pas de maîtrise des dépenses sans achats plus efficaces. Particulièrement dans le secteur de la santé où la « contrainte budgétaire » est énorme. Le constat est identique d’un bout à l’autre de la planète, comme on a pu s’en rendre compte au 2ème symposium des acheteurs du secteur, organisé à Issy-les-Moulineaux les 8 et 9 septembre par l’Association internationale des acheteurs et approvisionneurs publics et privés de la santé (ASSIAPS) et l’Association française des acheteurs hospitaliers (ASFAH). Aux Etats-Unis, en Suède, en Italie, chacun essaie de réduire la facture, en rationalisant les pratiques et en professionnalisant les méthodes. En Belgique, une centrale de marchés inter-hospitaliers, répondant au nom de Mercure, regroupant des établissements dans le triangle Bruxelles-Liège-Charleroi, est sur le point de naître. Au Royaume-Uni, le National Health Service (NHS) a externalisé la fonction d’approvisionnement et l’a confiée à la société DHL. Dans l’hexagone, les hôpitaux, dont on espère qu’ils parviendront à rééquilibrer leurs comptes, sont eux aussi priés de réfléchir à leur façon d’acheter, deuxième poste de dépense après le personnel. Fin juin, leur ministre de tutelle, Roselyne Bachelot, a promis le lancement d’un nouveau programme baptisé « performance des achats » étalé sur cinq ans, dont le plan d’action sera dévoilé d’ici la fin de l’année. Bien que décriés (1), le premier coup de pied dans la fourmilière, initié par la MEAH en 2003, les annonces fracassantes du ministre de l’époque, Philippe Douste-Blazy (850 millions d’euros à économiser sur trois ans), et la mise sur orbite d’OPERAH (Optimisation de la performance des achats hospitaliers) ont été à l’origine d’un « bond en avant », notamment dans le domaine de la mutualisation. Le RESAH-IDF et UNIHA sont d’ailleurs un peu les enfants de ce mouvement.
Changer d’échelle
Cependant Roselyne Bachelot considère qu’il y a encore du grain à moudre. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) veut éviter que le « soufflet retombe », dixit son représentant au symposium, Emmanuel Luigi, membre de la sous-direction « pilotage de la performance ». Le ministère ambitionne de changer d’échelle. Il s’agit de « passer de la performance de l’achat hospitalier à l’achat hospitalier comme levier de performance ». Plus question de se contenter de progrès concentrés dans certaines régions. Les comportements doivent s’améliorer partout et concerner l’ensemble des acteurs. La DGOS assure qu’elle ne veut pas répéter les erreurs du passé : les prescripteurs initiaux, les médecins en particulier, seront plus associés à la démarche. L’accent sera mis sur l’achat médical, cœur de métier, « peu couvert » selon elle lors du précédent dispositif. Tous les leviers, et pas seulement la massification, seront utilisés. Un comité de pilotage stratégique comprenant des membres des différentes directions du ministère, des agences régionales de santé (ARS), de l’agence nationale d’appui à la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP, organisme dans lequel a été intégré la MEAH), et des représentants des fédérations hospitalières se chargera de valider les objectifs du plan. Un autre comité, « opérationnel » cette fois, s’occupera d’évaluer l’état de santé du patient. En attendant, l’ANAP a lancé un MAPA afin de trouver des prestataires capables de « définir des outils et méthodes permettant la diffusion d'une culture de la performance dans le domaine des achats hospitaliers ». Les candidats avaient jusqu’à hier, 14 septembre, pour déposer leurs offres.
Des praticiens circonspects
L’exposé n’a pas déclenché une adhésion franche et massive chez les praticiens. Les critiques portent notamment sur la méthode et sur le partage des tâches. « On ne sait pas trop comment tout cela sera mis en musique », résume Jean-Michel Descoutures, responsable de la pharmacie du CH d’Argenteuil. « C’est très vague », renchérit Elisabeth Aoun, directrice d’une des centrales d’achat de l’AP-HP, l’AGEPS (agence générale des équipements de santé) incrédule vis-à-vis du recours aux consultants : « il y a suffisamment de gens du métier capables de trouver des solutions. ». « Je suis circonspect, témoigne pour sa part Pascal Paubel, patron de la pharmacie du CH Sainte-Anne, on passe un appel d’offres pour trouver des consultants qui ne connaissent rien au dossier, qui vont venir aspirer les idées et les revendre ailleurs… » Certains hospitaliers n’ont pas digéré la remarque sur le nécessaire rattrapage concernant les achats médicaux. « Les achats de produits de santé ne sont pas à la traîne », riposte Jacqueline Grassin, chef du service pharmacie au CHRU de Tours. Même son de cloche chez Jean-Michel Descoutures : « la rationalisation des achats de médicaments et de dispositifs médicaux ne date pas d’hier ». « On n’a pas attendu le ministère pour réfléchir à la façon d’optimiser nos achats », confirme Elisabeth Aoun. Côté outils, les premières thérapies esquissées provoquent déjà des levées de boucliers. Le plan envisage par exemple la standardisation et la baisse du nombre de références. « La baisse du nombre de références est un raisonnement simpliste. Le patient n’est pas unique ! », réagit Loïc Rolland, responsable de la pharmacie du CH de Cahors.
Un nouveau souffle pour l’achat hospitalier ?
« Concernant les dispositifs médicaux (DM) tout cela est déconnecté du réel, regrette Jacqueline Grassin, ce sont des mesures imaginées par des personnes qui ne connaissent pas le secteur. Ce n’est pas faisable. Seule une minorité des achats en valeur de DM relève du standard. Si l’on impose une prothèse à un chirurgien qui n’a pas été formé sur ce type de matériel, que pensez-vous qu’il puisse arriver ? ». L’idée, évoquée par Roselyne Bachelot, d’une base nationale de prix qui permettrait aux établissements de comparer leurs offres, fait sourire. « Dans le domaine du médical, la plupart des prix sont réglementés et il n’y a pas forcément de relation entre le prix et le volume d’achat », remarque Pascal Paubel. « Que j’achète trois ou six scanners, les fournisseurs me feront le même prix », ajoute Elisabeth Aoun. « Le prix ne veut rien dire, glisse une autre acheteuse, il suffit que l’appel d’offres soit lancé 24 heures avant ou après la mise sur le marché d’un générique pour que tout change. » Patron du RESAH-IDF et organisateur du symposium, Dominique Legouge, optimiste de nature, préfère retenir le bon côté des choses. « Il n’y a pas de meilleure nouvelle pour les acheteurs. Le plan va redonner du souffle, il va ouvrir un nouveau chantier pour replacer l’achat au cœur des préoccupations puisqu’on va sortir de l’intendance en passant au stratégique ». Ancien directeur des achats au CHU de Nantes, désormais responsable de la thématique achats à l’Ecole des hautes études en santé publique (EHESP), Alain Mourier partage ce sentiment : « l’annonce gouvernementale va mettre les achats au premier plan ». Jean-Michel Descoutures voit dans le plan des raisons d’espérer. « Passer un cap et porter les achats au niveau régional ou national, c’est positif. On est trop microscopique ».
(1) Lire notre article de juillet 2004 : achats hospitaliers : polémique sur fond d’économies potentielles
Jean-Marc Binot © achatpublic.info


Envoyer à un collègue
Chargé d'études commande publique durable et solidaire (f/h)
- 22/04/2025
- Caen la mer Normandie
- 15/04/2025
- CADI
Gestionnaire administratif et marchés publics (f/h)
- 15/04/2025
- CADI
TA Lyon 7 mars 2025 Société Options Solutions
-
Article réservé aux abonnés
- 23/04/25
- 07h04
TA Toulon 6 mars 2025 Société Union des producteurs locaux d'électricité
-
Article réservé aux abonnés
- 22/04/25
- 07h04
TA Nancy 4 mars 2025 Société d'études et de réalisations pour les équipements collectifs
-
Article réservé aux abonnés
- 21/04/25
- 07h04
Acheteurs publics : les trouver, c’est compliqué ; les garder, c’est pire !
-
Article réservé aux abonnés
- 17/04/25 06h04
- Jean-François Aubry
Le B.A -BA de l’achat – La sous-traitance
-
Article réservé aux abonnés
- 16/04/25 06h04
- Etienne Ducluseau
Pas de marchés publics de l'UE pour les opérateurs chinois ?
-
Article réservé aux abonnés
- 14/04/25 06h04
- Mathieu Laugier
-
Article réservé aux abonnés
- 14/04/25
- 06h04
Une OAB qui n’en était pas une : passation du marché public annulée
-
Article réservé aux abonnés
- 15/04/25
- 06h04