Le fabriqué en France, « trou noir » de la commande publique

  • 19/06/2025
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Made in France - Achat local - Seuils - « Une commande publique qui ne promeut pas suffisamment le fabrique en France » : c’est l’une des conclusions du rapport d’information de la Délégation aux entreprises du Sénat "Fabriqué en France : la compétitivité patriotique".
Cela est d’autant plus regrettable, selon Franck Menonville et Anne-Marie Nédélec, auteurs du rapport, que « l’immense majorité des consommateurs français déclarent vouloir acheter des produits fabriqués en France » et que « Le potentiel supplémentaire des achats de produits fabriqués en France est estimé à 15 milliards d’euros, (…). Si 25 % des marchés publics étaient réservés aux produits français, cela représenterait 50 milliards d’euros par an d’achats français ». En passant, le rapport égratigne l’Ugap : « sur le site de l’UGAP, la part de produits d’origine française ne représente que 1 % des références proposées aux acheteurs publics (10 000 sur 1 million) ».

 

Les 5 handicaps de l’achat public français

Certes, souligne le rapport, si la préférence locale n’est pas admise par l’Union européenne, l’achat local est toutefois indirectement favorisé grâce à la prise en considération des caractéristiques environnementales des offres et la promotion des achats auprès des PME. Les auteurs listent cependant les 5 handicaps qui nuisent à l’achat public de "Made in France" :

Remontées des données - La mesure de la part importée dans la commande publique est totalement déficiente.
Trop d’acheteurs publics - La commande publique est éclatée entre 60 centrales d’achats publics (dont la plus importante est l’UGAP avec un chiffre d’affaires de 5,6 milliards d’euros) et 135 000 pouvoirs adjudicateurs (30 000 en Allemagne, 3 500 en Italie). Le rapport préconise de diviser par dis le nombre de pouvoirs adjudicateurs.
La peur du juge pénal - La France pénalise le délit de favoritisme applicable à l’ensemble de la commande publique, conduisant les acheteurs publics à une lecture excessivement prudente des règles/
Des seuils trop élevés- La moitié des marchés publics en volume est passée sous le seuil de mise en concurrence de 40 000 euros HT. Dans ce cas, l’acheteur public est libre : il peut se fournir sur les plateformes du e-commerce sans se préoccuper d’acheter français ;
Greenwashing - Le point faible de la commande publique est l’inexistence des contrôles des engagements des attributaires de marchés publics, notamment en matière environnementale et sociale au niveau national.
 

6 propositions

En matière de commande publique, le rapport formule 6 propositions :
  • Diviser par dix le nombre de pouvoirs adjudicateurs, en les mutualisant
  • Mesurer la part importée de la commande publique
  • Imposer les appels d’offre hors taxe pour les marchés dans lesquels peuvent se présenter des entreprises extra-communautaires
  • Assurer un contrôle des engagements sociaux et environnementaux pris par les entreprises ayant remporté un marché public
  • Faire du critère bas-carbone un levier en faveur des circuits d’approvisionnements territoriaux courts
  • Transférer la tutelle de l’UGAP au ministère de l’Industrie *

Ces propositions reprennent pour beaucoup les propos d’Arnaud Montebourg, auditionné par la Délégation le 15 mai dernier (relire "La charge d’Arnaud Montebourg : « A quand des agences techniques d’achat public performantes ? »").
 

L’appel du Conseil national de l’Industrie pour un plan d’action

La veille de la publication du rapport de la délégation aux entreprises du Sénat, le Conseil national de l’industrie (CNI), dans un communiqué largement diffusé, s’est dit favorable à un « plan d’action européen pour orienter les achats publics et privés vers des biens produits en France et en Europe afin de soutenir l’industrie française et européenne ».
Le CNI préconise de faire de la préférence européenne une priorité pour le marché commun dans les marchés publics « et, au-delà, dans tous les dispositifs publics ayant un impact sur la demande de biens industriels ». Il souhaite que notamment que la préférence européenne ne soit pas limitée à quelques secteurs. Il faudrait par ailleurs inscrire un principe de préférence européenne fondé sur l’origine de fabrication des produits et non seulement sur la nationalité des entreprises.
Le Conseil national de l’industrie appelle à recourir plus systématiquement aux critères « hors-prix » valorisant l’économie circulaire et le recyclage, les emplois de qualité ou les technologies développées en Europe « le pays d’origine de la propriété intellectuelle pourrait par exemple être utilisé afin de soutenir l’innovation et la souveraineté industrielle européenne ou encore des emplois de qualité. »
 
 

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JMJ