La commande publique au rapport … et sous toutes les coutures !

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« Pressé fortement sur ma droite, mon centre cède, impossible de me mouvoir. Situation excellente, j'attaque !»
Ferdinand Foch


En matière de commande publique, plus le Journal Officiel maigrit, plus les rapports fusent ? Ce qui est manifeste, en revanche, c’est ce lien très fort entre la suractivité politique et la profusion d’études et d’analyses, toutes tendant à montrer que, décidemment, la commande publique n’est pas "bien sous tous rapports".
 

Le refrain de la souveraineté et de la préférence

La campagne des élections européennes de ce week-end a amené toutes les listes à avoir leur mot à dire sur la commande publique.
Là, force est de constater que l’innovation n’irrigue pas les programmes... On serait même sur des partitions quasi identiques, d’un parti à l’autre, avec l’obsédante mélodie de la souveraineté et l’achat local en ritournelle. Certes, il existe bien quelques variations, sur les mêmes notes plus ou moins accentuées, d’un programme à l’autre (relire "[Européennes 2024] Les propositions "commande publique" des listes françaises" - lire aussi "La France pousse à verdir davantage les marchés publics à l’échelle européenne").
 

Les associations dans leur registre … et avec leurs inquiétudes

C’est du côté des associations que l’on trouve plus de diversité et d’innovation dans les appels à faire évoluer la commande publique.

Anticor joue sa partition, réclamant sans surprise plus de transparence et plus d’encadrement des lobbys (relire "Européennes 2024] Les 12 propositions éthiques d’Anticor"). Anticor a-t-elle raison de s’inquiéter ? Peut-être, si l’on prend en compte le dernier rapport de la Haute Autorité pour la Transparence de la vie publique : « Sur l’année 2023, sur les 3 536 déclarations examinées, plus de 3 sur 10 ont conduit la HATVP à demander des mesures de prévention d’une situation de conflit d’intérêts » (lire "Les conflits d’intérêts : plus que jamais dans le viseur de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique").

Alliance Villes Emploi appelle à la sécurisation des interventions financières de l’Europe, au maintien du cadre d’intervention sur les politiques d’inclusion, d’emploi, de formation et d’insertion (relire "[Européennes 2024] La contribution aux débats d’Alliance Villes Emploi (AVE)").

Sans surprise, l’association France Urbaine souhaite que la commande publique évolue selon un tempo rapide. Cela fait plusieurs mois qu’elle fait savoir que selon elle, il faut « libérer la commande publique » afin de renforcer les politiques alimentaires durables, d’autant que la transparence et l’efficience ne seraient pas non plus au rendez-vous. Conclusion : il faudrait « refondre profondément les directives européennes » (relire "France Urbaine plaide pour une "libération de la commande publique").
L’association, pour « Faire de la commande publique responsable et durable un levier d’accélération des transitions » appelle donc de ses vœux l’adoption d’une directive "Marchés publics écologiques" et l’instauration d’un cadre dédié en matière d’alimentation, l’idée étant de sécuriser des critères de proximité motivés par des enjeux de résilience territoriale dûment démontrés (relire "[Européennes 2024] Le plaidoyer Commande publique de France urbaine").

Cela étant, un rapport du Conseil économique, social et environnemental montre que les associations pourraient, à juste titre, se méfier de la commande publique. Un rapport du CESE constate la substitution progressive des subventions publiques par la commande publique : « La baisse des subventions, l’accentuation des logiques de marché et de commande publique, auxquelles s’est ajoutée l’inflation, mettent en péril la pérennité des associations » (lire "Les associations "confrontées" plus que jamais à la commande publique").
 

Du rififi du côté du législateur

Du Côté du Gouvernement et des parlementaires, le moins qu’on puisse dire, c’est que le droit de la commande publique n’a pas la côte. Ils veulent jouer une partition "simplificatrice"….
Certes, le projet de loi de simplification n’est pas tendre par principe (voire par dogmatisme) avec le Code de la commande publique, le stigmatisant en tant que frein à l’accès à la commande publique des PME. On notera pourtant les alertes du Sénat dénonçant un projet de loi « protéiforme », dont « le contenu réel entretient un lien ténu avec les annonces et promesses pourtant mises en avant par le Gouvernement » ; une « série d’annonces et de mesures de portées diverses dont plusieurs ont peu de lien avec l’objectif affiché d’alléger le poids des contraintes administratives sur les entreprises pour libérer la croissance » (lire "Rapport de la Commission spéciale du Sénat sur le projet de loi simplification : impression ... mitigée").

Mais il n’est pas le seul rapport parlementaire à charge.
Ici, on fustige « Le champ complexe de la commande publique » conduisant, « lors des conseils [à] un ballet absurde et incessant d’entrées et de sorties des élus qui mettent à mal le fonctionnement normal des assemblées délibérantes » (lire "Droit pénal de la commande publique : du délit pénal aux sanctions administratives ?").

Là, on considère que le Code de la commande publique est un frein au développement de l’économie circulaire. Au mieux, la commande publique devrait se mettre "au service" de l’économie circulaire (lire "Modifier la loi AGEC pour un renforcement du rôle de la commande publique dans l’économie circulaire" - lire aussi "La résilience du nouveau décret AGEC : atteindre sans entrave les objectifs fixés").

Et puis, surtout, cet autre rapport plante une banderille financière bien aiguisée : Boris Ravignon considère que les règles encadrant la commande publique occasionnent des coûts importants pour les entités adjudicatrices comme pour les entreprises soumissionnaires (lire "Le millefeuille administratif à la sauce commande publique").

Complexe, inadapté, insuffisant, contreproductif, couteux… La question n’est pas de savoir qui veut la peau du Code de la commande publique, mais qui entend encore l’épargner.

Au fait… dans cette vaste entreprise de lapidation du code… a-t-on entendu les acheteurs publics, les vrais ? … Ceux qui manient le code ?