
Annulation d’une convention d’aménagement terminée ?
Le Conseil d’Etat doit se prononcer sur les vices entachant une concession d’aménagement conclue par la commune de Saint-Tropez. Une fois l’analyse faite, les sages du Palais-Royal devront tirer les conséquences qu’entrainent ces irrégularités sur le contrat.

« Je vous remercie d’éviter le grand malheur ». Voilà comment s’est terminée la plaidoirie de l’avocat de la commune de Saint-Tropez après les conclusions du rapporteur public, pour inciter les sages à ne pas suivre la solution qui leur est proposée. L’affaire présentée devant le conseil d’Etat le 27 février ne date pas d’aujourd’hui puisqu’elle a été soumise au tribunal administratif de Toulon en juillet 2013, puis à la CAA de Marseille, au Conseil d’Etat, avant d’être examinée par la CAA de Lyon et de nouveau par le Conseil d’Etat. Le rapporteur public propose donc de régler l’affaire au fond. Quel est le problème ? La commune azuréenne a conclu une concession d’aménagement sur trois secteurs de son territoire. Et la SAGEM, dont l’offre a été rejetée, en demande l’annulation. Les principaux reproches du candidat malheureux sont triples. Le contrat aurait été attribué sans analyser les capacités techniques et financière de l’attributaire. Ce dernier a pris conseil auprès du maître d’œuvre missionné par la ville pour l’opération. Et pour finir des modifications du programme sont intervenues au stade de la signature de la convention.
Absence d’analyse des capacités
La société Kaufman et Broad Provence s’est portée candidate à l’attribution de cette concession. « L'extrait du dossier de candidature d'avril 2011 produit devant la cour comporte une présentation des capacités financières de Kaufman et Broad et de Kaufman et Broad Provence et évoque les garanties financières de cette dernière ainsi qu'un exemple de montage financier dans une autre commune ; qu'a également été produite devant le tribunal administratif une lettre du Crédit agricole du 22 avril 2011 indiquant que la banque était disposée à étudier le financement de l'opération », évoque la CAA de Lyon. Cependant, aucune des pièces produites ne peut s’apparenter à un engagement de la société mère à l’égard de sa filiale, observe Olivier Henrard, rapporteur public auprès du Conseil d’Etat. La
commune ne pouvait donc pas se fonder sur les capacités de cet établissement. Le magistrat relève que la collectivité aurait pu demander à l’entreprise de compléter son dossier de candidature mais qu’elle n’a pas usé de cette faculté. Les capacités de la candidate n’ont donc pas été analysées alors qu’il s’agit d’une obligation textuelle.aucune des pièces produites ne peut s’apparenter à un engagement de la société mère à l’égard de sa filiale
Un maitre d’œuvre commun et des modifications de programme
« Les dossiers de demande de permis de construire nécessaires à l'opération sur le secteur du couvent, et sur la base desquels les offres devaient être élaborées, ont été établis par le cabinet d'architecture Vieillecroze, maître d'œuvre de la commune de Saint-Tropez ; qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que ce même maître d'œuvre a été le conseil de la société attributaire, y compris pendant la phase de négociation des offres au cours de laquelle des permis de construire étaient encore en instruction » avait noté le Conseil d’Etat dans sa décision de 2015. Olivier Henrard indique que cette circonstance a rompu l’égalité de traitement entre les candidats. Il rappelle que cette situation ne vicie pas la procédure à elle seule : il est nécessaire de regarder si cela a induit des avantages pour la société. Il remarque que les permis de construire ont été annexés au DCE mais que l’opération est complexe : les conseils de l’architecte ont donc été un atout majeur d’autant que deux permis modificatifs ont été délivrés après la remise des offres. Pour le rapporteur public, l’attributaire a bien eu un avantage sur ses concurrents. Cela ne fait pas de doute, les modifications apportées au programme lors de la signature sont bien substantielles pour le magistrat. Parmi les changements, Olivier Henrard s’arrête sur les logements sociaux du
programme. Ce sont désormais des logements « très sociaux » puisque construits en PLAI et en PLUS, ce qui n’était même pas envisagé dans la consultation. Les modalités de financement sont ainsi radicalement différentes puisque seul ce type d’habitation bénéficie de subventions étatiques et de taux d’intérêts d’emprunts réduits. La SHON des logements et des surfaces d’activités ont également été augmentés ainsi que le nombre de places de parking.l’attributaire a bien eu un avantage sur ses concurrents
L’annulation proposée
Les trois vices invoqués par la requérante sont donc caractérisés pour le magistrat. Ceux entachant la convention ne sont pas régularisables. Il faut noter que la concession est arrivée à son terme en 2017 et que les travaux sont achevés. Plus de 160 conventions ont fait suite à la concession d’aménagement, comme la vente des terrains et des logements, contrats de droit privé entre l’attributaire de la concession et des tiers. Le rapporteur public reprend les dispositions du code civil pour en conclure que l’annulation de la concession serait sans effet sur ces contrats de droit privé, pas plus que sur les droits des locataires à rester dans les lieux. Il propose donc l’annulation de la concession d’aménagement. Les avocats des trois parties ont plaidé après les conclusions. Pour le défenseur de la commune de Saint-Tropez, les contrats de droit privé découlent de la concession d’aménagement, les acquéreurs des
logements ne serait donc plus propriétaires en cas d’annulation de la concession, ce qui demanderait une régularisation par la commune. Il y voit un risque d’atteinte à l’intérêt général d’autant que la commune ne compte pas beaucoup d’habitants. L’avocat du concessionnaire insiste sur le fait que le programme avait deux objectifs principaux : désendetter la ville qui serait à la limite de la tutelle préfectorale et loger les enfants du pays au vu du prix exorbitant du logement sur la commune. L’annulation priverait les contrats qui lui ont fait suite de base légale et rendrait la commune débitrice de 100 millions d’euros ce qui retomberait in fine sur les contribuables tropéziens.Le rapporteur public reprend les dispositions du code civil pour en conclure que l’annulation de la concession serait sans effet sur ces contrats de droit privé


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