Demande de précision ne vaut pas régularisation

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Lorsqu’elle ne répond pas aux exigences du RC, une offre est irrégulière. La demande de précision, sans modification de la teneur de l'offre, faite par le pouvoir adjudicateur n'aura pas pour conséquence de la rendre régulière. Telle est la position adoptée récemment par le Conseil d'Etat.

Le groupement de commandes constitué de la commune de Versailles, du centre communal d'action sociale de la commune et de la communauté d'agglomération de Versailles Grand Parc, lance en janvier 2014 une procédure d’appel d’offres ouvert pour des prestations de géomètre, géomètre expert, de détection et récolement de réseaux de manière non intrusive. Candidate au lot n°3, la société JFM conseils est informée du rejet de son offre en juillet au motif que son offre est irrégulière. Elle ne contient pas l’annexe 2 de la charte graphique signée et complétée, et les originaux des BPU et DQE. Saisi, le juge du référé précontractuel annule la procédure au stade de l’analyse des offres. Pour le magistrat, « il est établi que  la commune de Versailles a analysé l’offre de la société JFM conseils et lui a posé des questions précises sur son BPU et son DQE ; que ces éléments doivent être regardés, dans les circonstances de l’espèce, comme constituant un commencement de preuve que la société JFM a remis une offre complète ». Suivant son rapporteur public, le Conseil d'Etat a, par une décision rendue le 21 novembre, annulé, l’ordonnance du juge des référés précontractuels et rejeté sur le fond la requête de l’entreprise requérante.

Dénaturation des pièces du dossier

Pour proposer l’annulation de l’ordonnance, Bertrand Dacosta a considéré que « la circonstance que le pouvoir adjudicateur ait interrogé l’entreprise sur les discordances de son offre implique seulement qu’il dispose d’une partie de l’offre. Elle ne constitue pas un commencement de preuve du caractère complet des pièces ». C’est ce que relève la haute juridiction : « les échanges entre le pouvoir adjudicateur et la société JFM Conseils permettaient seulement de supposer que le pouvoir adjudicateur disposait d'une partie de l'offre déposée par ce candidat, mais en aucun cas que cette dernière était conforme aux prescriptions du règlement de la consultation et, notamment, qu'elle comportait les signatures dans les formes requises ; qu'ainsi la commune de Versailles est fondée à soutenir qu'en statuant ainsi le juge des référés du tribunal administratif de Versailles a dénaturé les pièces du dossier ».

L’invitation à préciser une offre

Sur le fond, le rapporteur public a estimé qu’il n’y avait aucun élément permettant de justifier le caractère complet. « Le pouvoir adjudicateur devait écarter l’offre compte tenu de la nature des pièces manquantes ». Dans sa décision, le CE rappelle que les termes des articles 35, 53 et 59 I du CMP « interdisent au pouvoir adjudicateur de modifier ou de rectifier lui-même une offre incomplète, comme telle irrégulière ; la circonstance que le candidat ait été invité à préciser ou compléter son offre par le pouvoir adjudicateur, sans qu'il puisse alors en modifier la teneur, n'est pas de nature à régulariser une offre qui serait incomplète et que le pouvoir adjudicateur était, dès lors, tenue d'écarter ». En l’espèce, si l’entreprise soutenait que le pouvoir adjudicateur disposait nécessairement des pièces litigieuses dès lors qu'il a procédé à l'examen de son offre et lui a demandé de la préciser, elle n'apporte aucun autre élément de nature à justifier que l'offre déposée était complète et conforme aux prescriptions, y compris formelles, du RC. Mais, comme rappelé ci-dessus, « la circonstance que le candidat ait été invité à préciser ou compléter son offre par le pouvoir adjudicateur, sans qu'il puisse alors en modifier la teneur, n'est pas de nature à régulariser une offre qui serait incomplète ». Dès lors, pour les sages du Palais royal, la société « n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que son offre a été rejetée au motif qu'elle était incomplète et donc irrégulière ».